Newsletter N°1 – Janvier-Mars 2023


Jurisprudence :

  • Licenciement du salarié et abus de son droit d’agir en justice. —
  • Licenciement et garantie d’emploi conventionnelle. —
  • Licenciement nul pour faits de grève. —
  • Désignation d’un expert par le CSE d’établissement. —
  • Preuve de la discrimination à l’embauche. —
  • Suivi du forfait annuel en jours. —
  • Horaire collectif de travail et décompte individuel. —
  • Preuve des heures de travail. —
  • Articulation inaptitude physique et faute du salarié. —
  • Inaptitude et périmètre de recherche de reclassement. —
  • Maladie et manquement à l’obligation de loyauté. —
  • Concurrence déloyale. —
  • Ancienneté du salarié et qualification de la faute. —
  • Mentions obligatoires du CDD de remplacement. —
  • Formalisme du contrat à temps partiel. —
  • La rupture conventionnelle collective et cessation d’activité. —
  • Inaptitude et obligation de reclassement. —
  • La rupture conventionnelle et indemnité de dédit-formation. —

Réglementation :

  • Loi 2022-1598 du 17 novembre 2022 JO du 22 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi. —
  • Loi 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023, JO du 31 décembre 2022. —
  • Instruction BOSS sur la prime de partage de la valeur du 10 octobre 2022, mise à jour du 21 décembre 2022. —
  • Nouvelle mention obligatoire du bulletin de salaire au 1er juillet 2023. —
  • Abandon de poste et présomption de démission : projet de décret. —

 

 

Jurisprudence



Licenciement du salarié et abus de son droit d’agir en justice. Cass. Soc. 7 déc. 2022 n°21-19.280 :

Le licenciement du salarié fondé sur une tentative d’intimidation consistant à menacer son supérieur hiérarchique d’un dépôt de plainte s’il maintenait sa procédure disciplinaire, ne constitue pas une violation de la liberté fondamentale du droit d’agir en justice entraînant la nullité de son licenciement.


Licenciement et garantie d’emploi conventionnelle. Cass. soc. 8 février 2023 n° 21-16.805 :

Un salarié en arrêt de travail pour maladie peut être licencié pour insuffisance professionnelle si la garantie d’emploi conventionnelle applicable limite son champ d’application au licenciement motivé par les perturbations causées par l’absence pour maladie dans le fonctionnement de l’entreprise.


Licenciement nul pour faits de grève. Cass. soc. 18 janvier 2023 n° 21-20.311 :

L’obligation pour l’employeur de rembourser les allocations chômage perçues par l’ancien salarié en cas de licenciement injustifié prévue par l’article L 1235-4 du Code du travail, dans la limite de 6 mois d’allocations, s’applique en cas de nullité du licenciement en raison de l’exercice du droit de grève.


Désignation d’un expert par le CSE d’établissement : Cass. Soc., 14 déc. 2022, n°21-22.426 :

Le CSE d’établissement qui décide de recourir à un expert sur le fondement de l’introduction d’un « projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail », doit démontrer, de façon précise et concrète, les mesures d’adaptation du projet, propres à l’établissement. En l’occurrence, le CSE ne démontrait pas que le passage en location gérance des magasins initialement exploités directement par la société, entraînerait des variations d’effectifs, de temps de travail ou une redéfinition des tâches.


Preuve de la discrimination à l’embauche. Cass. Soc., 14 déc. 2022, n°21-19.628 :

La présentation d’une analyse statistique réalisée à partir du registre unique du personnel et de l’organigramme de la société qui démontre le caractère minoritaire des salariés en CDI portant un nom à consonance extra-européenne suffit pour laisser supposer l’existence d’une discrimination. L’employeur ne rapportant pas la preuve contraire, celui-ci est condamné à verser au candidat à l’embauche des dommages et intérêts.


Renouvellement de la période d’essai. Cass. Soc. 25 janvier 2023 n°21-13.699 :

Le renouvellement de la période d’essai, qui doit être prévue par la convention de branche et le contrat de travail, suppose l’accord exprès du salarié. Sa signature ne saurait se suffire à satisfaire cette condition, contrairement à la mention « lu et approuvé » apposée en marge de celle-ci, ou de tout autre document établissant que le salarié était d’accord avec ce renouvellement, tel qu’un mail au cabinet de recrutement.


Suivi du forfait annuel en jours. Cass. Soc. 8 février 2023 n°21-19.512 :

Depuis la loi du 8 août 2016, un accord collectif instaurant un régime de forfait annuel en jours doit prévoir les modalités selon lesquelles i) l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié, ii) l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail de de ce dernier, iii) l’articulation de sa vie personnelle avec sa vie professionnelle. En vertu du droit à la santé et au repos, l’accord collectif doit assurer la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, sous peine que la convention de forfait soit
nulle. Un dispositif mensuel de déclaration des dates des journées travaillées et non travaillées, sans mention de la charge de travail, ne satisfait pas les conditions légales précitées, et ce malgré l’instauration d’un dispositif d’alerte du salarié en cas de surcharge de travail.


Horaire collectif de travail et décompte individuel. CE 1er février 2023 n°457116 :

Ce n’est que lorsque tous les salariés d’un même service ou d’une même équipe, ne travaillent pas selon un même horaire que l’employeur est tenu de procéder au décompte quotidien et hebdomadaire individuel du temps de travail des salariés. En présence d’un horaire collectif, celui-ci est dispensé de tenir ces décomptes individuels de temps de travail.


Preuve des heures de travail. Cass. soc. 14-12-2022 n° 21-18.139 :

Selon une jurisprudence établie, si la preuve des heures de travail réalisées n’incombe pas spécialement à l’employeur (art. L. 3171-4 Code du trav.), celle du respect du droit au repos et des limites quotidienne et hebdomadaire de travail pèse exclusivement sur l’employeur. Il en est ainsi même en période de télétravail du salarié.


Articulation inaptitude physique et faute du salarié. Cass. Soc. 8 février 2023 n°21-16.258 :

En présence d’une déclaration d’inaptitude d’un salarié, l’employeur doit appliquer le régime du licenciement pour inaptitude, d’ordre public. Aucun autre motif de licenciement ne peut être retenu contre le salarié, et ce même si la procédure de licenciement a été initiée avant l’avis d’inaptitude. En l’occurrence, une convocation à un entretien préalable avait été adressée le 24 janvier, pour un entretien prévu le 7 février ; alors que le médecin du travail avait déclaré inapte le salarié le 6 février, l’employeur a achevé la procédure initiée en amont de cet avis, en licenciant pour faute lourde.


Inaptitude et périmètre de recherche de reclassement. Cass. Soc. 8 février 2023 n°21-11.356 :

Si l’employeur peut être dispensé de recherche de reclassement en cas d’inaptitude, sur mention expresse du médecin du travail dans son avis, une telle exemption ne trouve à s’appliquer que pour le périmètre visé. L’avis qui dispense l’employeur de recherche de reclassement au sein de « la société » ne le dispense pas de telles recherche au sein des autres entités du groupe en France (articles L. 1226-2 et s. Code du travail).


Maladie et manquement à l’obligation de loyauté. Cass. Soc. 1er février 2023 n°21-20.526 :

Le fait de participer à 14 compétitions de badminton au cours de l’année lors d’arrêts de travail, intégralement rémunérés par l’employeur, ne constitue pas un manquement du salarié à son obligation de loyauté. Le manquement à l’obligation de loyauté suppose un préjudice causé à l’employeur, qui ne peut résulter du seul maintien intégral du salaire par l’employeur.


Concurrence déloyale. Cass. com. 7 décembre 2022 n°21-19.860 :

Constitue un acte de concurrence déloyale le fait, pour une société à la création de laquelle a participé le salarié d’une société concurrente, de débuter son activité avant le terme du contrat de travail. Le seul fait, pour cette société, de détenir des informations confidentielles relatives à l’activité d’une société concurrente obtenues par le salarié pendant l’exécution de son contrat de travail, constitue un acte de concurrence déloyale.


Ancienneté du salarié et qualification de la faute. Cass. Soc. 8 février 2023 n°21-11.535 :

L’ancienneté du salarié ne suffit pas à écarter la faute grave lorsque la santé de ses subordonnés est mise en jeu par son management, reconnu brutal envers ses collaborateurs.


Mentions obligatoires du CDD de remplacement. Cass. soc. 8 février 2023, n° 21-14.444 :

Est réputé à durée indéterminée le contrat de travail à durée déterminée qui ne comporte pas la définition précise de son motif. En présence d’un contrat à durée déterminée de remplacement, cette exigence implique que le nom mais aussi la qualification du salarié remplacé, figurent dans le contrat, à défaut de quoi celui-ci sera requalifié en contrat à durée indéterminée.


Formalisme du contrat à temps partiel. Cass. soc. 8 février 2023, n° 21-15.863 :

En matière de temps partiel, l’employeur doit respecter un formalisme strict. L’absence d’écrit fixant la durée du travail fait présumer que l’emploi est à temps complet. Il en est de même des avenants modifiant la durée du travail.


La rupture conventionnelle collective et cessation d’activité. CE 21 mars 2023, n° 459626 :

Statuant pour la première fois sur la validité d’un accord de rupture conventionnelle collective, le Conseil d’État précise les limites de ce dispositif, qui ne peut pas être conclu dans un contexte de cessation d’activité conduisant nécessairement au licenciement des salariés.


Inaptitude et obligation de reclassement. Cass.soc. 29 mars 2023 n°21-15.472 :

L’employeur n’exécute pas loyalement son obligation de reclassement si, en présence d’un avis d’inaptitude préconisant le reclassement du salarié à un poste en télétravail, celui-ci ne lui propose pas un tel poste alors que l’essentiel de ses missions le permettait, quand bien même le télétravail n’était pas en place dans l’entreprise.

La rupture conventionnelle et indemnité de dédit-formation. Cass. soc. 1 mars 2023 n° 21-23.814 :

La clause de dédit-formation qui met à la charge du salarié une indemnité en cas de rupture du contrat de travail à son initiative ne s’applique pas en cas de rupture conventionnelle, y compris si le salarié a pris l’initiative de solliciter la rupture.



Réglementation



➢ Loi 2022-1598 du 17 novembre 2022 JO du 22 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.

La loi prévoit plusieurs modifications du code du travail dont notamment :

• Présomption de démission en cas d’abandon de poste du salarié (art.4)
La loi institue une présomption de démission simple du salarié lorsque celui-ci est absent volontairement de son poste et ne reprend pas son travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste dans un délai minimal qui sera fixé par décret (C. trav., nouvel art. L.1237-1-1).

Le salarié qui conteste la nature de la rupture de son contrat de travail (par exemple en cas d’absence légitime justifiée par la maladie…) a la possibilité de saisir directement le bureau de jugement du Conseil de prud’hommes qui doit statuer dans le délai d’un mois.


Conditions d’électorat et d’éligibilité au CSE (art.8)
Afin de tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel du 19 novembre 2021, le législateur réécrit les articles du Code du travail relatifs aux conditions d’électorat et d’éligibilité qui entrent en vigueur rétroactivement le 31 octobre 2022 (Cons. constit. 19 nov. 2021, n°2021-947 QPC).

Désormais, « l’ensemble des salariés » remplissant les conditions de l’article L.2314-18 du Code du travail (3 mois d’ancienneté…) peuvent voter aux élections du CSE ce qui comprend les salariés assimilés à l’employeur en raison d’une délégation écrite particulière d’autorité ou le représentant effectivement devant les institutions représentatives du personnel.

Toutefois, cette catégorie de salariés reste inéligible aux élections du CSE comme cela est indiqué expressément à l’article L.2314-19 du Code du travail modifié.


➢ Loi 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023, JO du 31 décembre 2022

• Prolongement de l’exonération de forfait social pour les abondements au Plan d’Epargne d’Entreprise (PEE)
Dans les entreprises assujetties à titre obligatoire à participation au PEE, la fraction employeur de l’abondement qui se rapporte à une contribution du bénéficiaire du PEE pour l’acquisition notamment d’actions, est, comme en 2021 et 2022, exonérée dans sa totalité au forfait social pour l’année 2023.

• Pérennisation de règles d’activité partielle issue de la période de crise sanitaire
Deux mesures qui auraient dû prendre fin le 31 décembre 2022 sont intégrées dans le code du travail.

  1. Les employeurs publics qui exercent à titre principal une activité industrielle et commerciale peuvent continuer à recourir à l’activité partielle pour leurs salariés de droit privé pour lesquels ils ont adhéré au régime d’assurance chômage (C. trav., art. L.5122-1, V).
  2. Les entreprises étrangères n’ayant pas d’établissement en France peuvent placer leurs salariés travaillant sur le territoire national en activité partielle, si elles sont assujetties aux contributions sociales et aux obligations d’assurance chômage de la législation française (C. trav., art. L.5122-1, VI).


• Obligation de participation au financement de la formation du titulaire d’un Compte Personnel de Formation (CPF)
Désormais, les salariés titulaires d’un CPF qui souhaitent bénéficier d’une formation devront participer à son financement sauf exceptions (notamment les demandeurs d’emploi).

Des décrets sur les modalités de cette participation sont en attente de publication.
La loi prévoit la prolongation d’autres dispositifs (CDD « tremplin »…), ainsi que des mesures en vue de l’allègement de certaines factures d’électricité.


➢ Instruction BOSS sur la prime de partage de la valeur du 10 octobre 2022, mise à jour du 21 décembre 2022

La loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a instauré une prime de partage de la valeur. Dans son prolongement, le BOSS a mis en ligne un « questions/réponses » dans une instruction d’octobre 2022.

La dernière mise à jour précise la période d’appréciation des critères de modulation (durée de présence, ancienneté) afin d’éviter les écarts disproportionnés entre les salariés sur le montant de la prime, ainsi que le versement de la prime aux salariés des groupements d’employeurs mis à la disposition d’entreprises utilisatrices.


➢ Nouvelle mention obligatoire du bulletin de salaire au 1er juillet 2023

En application de l’arrêté du 31 janvier 2023 (JO 7 février 2023), à compter du 1er juillet 2023, le bulletin de salaire devra faire mention du montant net social, selon une ligne dédiée. Ce montant net social devra être déclaré via la DSN dès le 1er janvier 2024. Les employeurs en capacité de le faire avant cette date peuvent y procéder de manière facultative.

Un « questions/réponses » du Ministère du Travail précise les modalités de mise en oeuvre de cette obligation, notamment les éléments à prendre en compte pour déterminer le montant net social du salarié.


➢ Abandon de poste et présomption de démission : projet de décret

La loi du 21 décembre 2022 « portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi » a posé pour principe qu’un salarié peut être considéré comme démissionnaire dès lors qu’il a volontairement abandonné son poste et n’a pas repris le travail malgré une mise en demeure de l’employeur. Cette démission a pour effet une privation de l’indemnisation chômage.

Le délai pour la reprise du travail par le salarié consécutivement à la mise en demeure doit être fixé par l’employeur, sans pouvoir être inférieur au délai minimum prévu par décret à paraitre, qui serait vraisemblablement de 15 jours calendaires à compter de la première présentation de la mise en demeure adressée par lettre recommandée ou remise en main propre contre décharge.