Newsletter N°2 – Avril-Mai-Juin 2025


Jurisprudence :

  • Exécution du contrat de travail – Salaire – Durée de travail – CDD —
  • Maladie, Accident et Sécurité Sociale —
  • Licenciement pour motif économique —
  • Licenciement disciplinaire ou pour cause personnelle – Rupture amiable – Démission – Retraite —
  • Transaction – Contentieux – Prescription – Preuve —

Réglementation :

  • Dispositif d’activité partielle de longue durée rebond (APLD-R) —
  • Consultation CSE —
  • Protection des salariés face aux fortes chaleurs —

 

 

Jurisprudence



EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL – SALAIRE – DUREE DE TRAVAIL – CDD :

Période d’essai. Cass. Soc, 9 avril 2025, n° 23-22.389 : L’employeur ne peut prévoir une période d’essai pour un salarié ayant préalablement travaillé dans l’entreprise en tant qu’auto-entrepreneur, que s’il n’a pas déjà eu l’occasion d’apprécier ses aptitudes professionnelles.

Lien de subordination et prestation de service. Cass. Com, 25 juin 2025, n° 23-22.430 : Le lien de subordination juridique est caractérisé par l’existence de directives précises de l’employeur, le contrôle de leur exécution, l’existence d’un pouvoir de sanction incluant la résiliation unilatérale du contrat, ainsi que l’impossibilité pour les intéressés de développer une clientèle propre. Ces éléments permettent de renverser la présomption d’indépendance du prestataire immatriculé à l’URSSAF.

Discrimination salariale. Cass. Soc, 29 avril 2025, n° 23-14.016 : Une différence de rémunération entre deux salariés, fondée sur l’absence de lien familial avec l’employeur, est discriminatoire. En effet, le lien familial ne peut jamais justifier une différence de rémunération, sauf à démontrer objectivement que les fonctions, responsabilités ou charges diffèrent.

Obligation conjointe de sécurité. Cass. Soc, 27 mai 2025, n° 23-21.926 : L’entreprise de travail à temps partagé et l’entreprise utilisatrice sont solidairement responsables en cas de violation de l’obligation de sécurité, y compris en matière de harcèlement. En effet, chacune des deux entreprises est tenue d’une obligation de sécurité effective, à défaut de justifier de mesures de prévention suffisantes, les deux entreprises peuvent être condamnées in solidum.

Rupture anticipée du CDD. Cass. Soc, 11 juin 2025, n° 23-22.432 : La rupture anticipée d’un contrat à durée déterminée pour faute grave est soumise à la procédure de sanction disciplinaire, et non à la procédure de licenciement. Une transaction conclue après une telle rupture n’a pas à être précédée d’une lettre de licenciement notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, mais elle doit être signée après la notification de la rupture pour faute.

Atteinte à la vie privée. Cass. Soc, 6 mai 2025, n° 23-23.294 : La simple mise en place d’un dispositif de surveillance illicite par l’employeur constitue une atteinte au droit au respect de la vie privée du salarié, ouvrant droit à réparation, indépendamment de la preuve d’un préjudice.

Accès messagerie électronique. Cass. Soc, 18 juin 2025 n° 23-19.022 : Le salarié a un droit d’accès aux courriels professionnels émis ou reçus par celui-ci via sa messagerie électronique, cet accès incluant le contenu et les métadonnées (horodatage, destinataires, etc.). En effet, ces courriels constituent des données à caractère personnel au sens de l’article 4 du RGPD.

NB : Ce droit d’accès peut être limité lorsque sa mise en oeuvre porte atteinte aux droits et libertés d’autrui, tels que le secret des affaires, la propriété intellectuelle ou le secret des correspondances (Considérant 63 du RGPD).



MALADIE, ACCIDENT ET SECURITE SOCIALE :

Handicap et discrimination. Cass. Soc, 2 avril 2025, n° 24-11.728 : Le non-respect de l’employeur des préconisations du médecin du travail sur l’aménagement de poste d’un salarié handicapé, même employé pour une courte durée, constitue un élément de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination. L’employeur doit prouver que son refus est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison de son handicap.

Refus d’un APC par un salarié protégé. CE, 4 avril 2025, n° 471490 : Lorsqu’un salarié protégé refuse la modification de son contrat de travail résultant d’un accord de performance collective (APC), en invoquant une incompatibilité avec son état de santé sans qu’une inaptitude ait été médicalement constatée, l’employeur est en droit d’engager une procédure de licenciement fondée sur ce seul refus.

NB. L’acceptation par un salarié protégé de la modification de son contrat de travail résultant de l’application d’un APC n’a pas pour effet d’exonérer l’employeur de son obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ce salarié et, à cet égard notamment, de prendre en considération l’avis et les indications ou les propositions, le cas échéant, émis par le médecin du travail

Entretien de licenciement et maladie. Cass. Soc, 21 mai 2025, n° 23-18.003 : Si l’entretien préalable au licenciement est reporté du fait de son état de santé, le salarié doit être avisé en temps utile et par tous moyens de ses nouvelles date et heure. Toutefois, l’employeur n’est pas tenu de renouveler l’envoi d’une convocation en bonne et due forme, ni de respecter un nouveau délai de cinq jours ouvrables avant la tenue de l’entretien.

Reclassement et inaptitude. Cass. Soc, 11 juin 2025 n° 24-15.297 : Si le médecin du travail précise, sur l’avis d’inaptitude, que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé, l’employeur peut le licencier pour inaptitude sans devoir préalablement chercher à le reclasser, ni lui notifier les motifs s’opposant au reclassement.

Prévoyance et portabilité. Cass. civ, 2e ch., 28 mai 2025, n° 23-13.796 : La cessation de la période de portabilité des garanties de prévoyance prévue par l’article L. 911-8 du Code de la sécurité sociale n’a pas d’effet sur le versement des prestations, dès lors qu’elles sont nées ou acquises pendant la relation de travail ou durant la période de portabilité. Il appartient aux juges de rechercher si les événements postérieurs à la période de portabilité sont consécutifs à une pathologie apparue durant cette période.

Obligation de sécurité et détachement. Cass. Soc, 11 juin 2025, n° 24-13.083 : L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité, doit en assurer l’effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail. Lorsque le salarié exerce sa mission au sein d’entreprises extérieures, l’employeur manque à son obligation de sécurité s’il ne vérifie pas que les lieux dans lesquels le salarié intervient, permettent de respecter les préconisations du médecin du travail.



RELATIONS COLLECTIVES – ACCORDS COLLECTIFS :

Expertise du CSE. Cass. Soc, 9 avril 2025 n°23-16.503 : La mission de l’expert-comptable du CSE porte sur tous les éléments d’ordre économique, financier, social ou environnemental nécessaires à la bonne compréhension des orientations stratégiques et de la situation économique et financière. L’expertise peut porter sur la situation et le rôle de l’entreprise au sein de son groupe. L’expert peut ainsi demander des documents relatifs au groupe.

Consultation du CSE et candidat aux élections. Avis CE, 16 mai 2025, n°498924 : L’employeur n’est plus tenu de consulter le CSE avant de solliciter l’autorisation de licencier un salarié candidat aux élections professionnelles. Cette évolution découle des ordonnances de 2017 ayant réformé les institutions représentatives du personnel. Seule demeure obligatoire, l’autorisation préalable de l’inspection du travail pendant la période de protection.



LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE :

Départ volontaire et CSP. Cass. Soc, 21 mai 2025, n° 22-11.901 : La rupture du contrat de travail pour motif économique, lorsqu’elle résulte d’un départ volontaire dans le cadre d’un accord collectif mis en oeuvre après consultation des représentants du personnel, constitue une résiliation amiable excluant la qualification de licenciement. Par conséquent, les règles applicables au licenciement, notamment celles relatives au contrat de sécurisation professionnelle (CSP), ne s’appliquent pas à une telle rupture issue d’un plan de sauvegarde de l’emploi prévoyant uniquement des départs volontaires sans envisager de licenciements.



LICENCIEMENT DISCIPLINAIRE OU POUR CAUSE PERSONNELLE – RUPTURE AMIABLE – DEMISSION – RETRAITE :

Inaptitude et clause de non-concurrence. Cass. Soc, 29 avril 2025, n° 23-22.191 : En cas de licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement, l’employeur qui souhaite renoncer à la clause de non-concurrence doit impérativement le faire, au plus tard, à la date de départ effectif du salarié. À défaut, la contrepartie financière devient exigible à compter de cette date.

Transfert de courriels personnels et licenciement. Cass. Soc, 9 avril 2025, n° 24-12.055 : Le fait pour une salariée de transférer un courriel contenant des pièces jointes de sa messagerie professionnelle vers sa messagerie personnelle, en violation des règles de sécurité informatique sans les divulguer à des tiers, ne constitue ni une faute grave ni une cause réelle et sérieuse de licenciement, compte tenu de l’ancienneté de la salariée et de l’absence de toute sanction ou rappel à ses obligations.

Protection du lanceur d’alerte. Cass. Soc, 6 mai 2025, n° 23-15.641 : Le salarié qui relate ou témoigne de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dans l’exercice de ses fonctions ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance de la fausseté des faits qu’il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis.

Motivation de la lettre de licenciement. Cass. Soc, 6 mai 2025, n° 23-19.214 : L’absence de datation des faits dans la lettre de licenciement ne vaut pas absence de motivation. En cas de contestation, il appartiendra à l’employeur d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ces motifs.

Faute grave et vidéoprotection. Cass. Soc, 21 mai 2025, n° 22-19.925 : La mise en place d’un système de vidéoprotection est soumise au respect des dispositions RGPD, dont l’information des représentants du personnel sur l’installation et la finalité du but poursuivi. Est justifié le licenciement pour faute grave d’un salarié fondé sur des enregistrements vidéo, bien que l’information des représentants du personnel n’ait porté que sur la garantie de la sécurité du lieu, et non sur l’utilisation de ces derniers à des fins disciplinaires.

Licenciement et grossesse. Cass. Soc, 27 mai 2025 n° 23-23.549 : L’employeur peut licencier une salariée enceinte pour impossibilité de maintenir son contrat de travail si elle refuse un poste équivalent dans un autre établissement alors qu’il ne peut pas la maintenir à son poste de travail sans risques psychosociaux pour elle et ses collègues.

Atteinte à la vie privée. Cass. Soc. 4 juin 2025, n° 24-14.509 : Le licenciement d’une salariée en raison de sa relation avec le Président de l’entreprise, par la Directrice générale, elle-même épouse du Président, est nul en l’absence de manquement professionnel, ces faits relevant de la vie privée, laquelle est protégée par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Entretien de licenciement. Cass. Soc, 4 juin 2025 n° 23-19.194 : Lorsque le salarié refuse une mesure de mutation disciplinaire emportant modification de son contrat de travail, notifiée après un premier entretien préalable, l’employeur qui envisage de prononcer un licenciement au lieu de la sanction initiale, doit convoquer l’intéressé à un nouvel entretien. A défaut, il s’expose au paiement d’une indemnité pour licenciement irrégulier.



TRANSACTION – CONTENTIEUX – PRESCRIPTION – PREUVE :

Nullité du licenciement et indemnité. Cass. Soc, 2 avril 2025, n° 23-20.987 : Lorsque le licenciement est nul et que le salarié n’est pas réintégré, il perçoit une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois civils précédant la rupture du contrat, ainsi que tous les éléments de rémunération reconnus dans la décision, y compris les primes et heures supplémentaires.

Réintégration et travail temporaire. Cass. Soc, 27 mai 2025, n° 23-23.743 : Lorsque la rupture du contrat de mission requalifié en CDI à l’égard de l’entreprise de travail temporaire est jugée nulle, l’intérimaire peut être réintégré au sein de cette entreprise. En effet, la seule nature juridique des contrats de mission requalifiés en contrat à durée indéterminée ne caractérise pas une impossibilité matérielle pour l’entreprise de travail temporaire de réintégrer le salarié dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent.



Législation et réglementation



Dispositif d’activité partielle de longue durée rebond (APLD-R). Décret nº 2025-338, 14 avr. 2025, JO 15 avr :
Les entreprises confrontées à une baisse durable d’activité peuvent réduire le temps de travail des salariés tout en maintenant une partie de leur rémunération. L’indemnité versée aux salariés est fixée à 70 % de la rémunération brute, voire 100 % en cas de formation, et l’allocation versée à l’employeur est de 60 %. La réduction d’activité est limitée à 40 %, extensible à 50 % sur dérogation. Le dispositif est activable par accord collectif ou document unilatéral fondé sur un accord de branche étendu, pour une durée maximale de 18 mois sur 24 mois glissants.


Consultation CSE. Loi n°2025-391 du 30 avril 2025 art. 7, I-1° et 14, JO 2-5
Cette loi prévoit un report partiel de l’entrée en vigueur des obligations issues de la directive CSRD en décalant à 2028 l’application du reporting de durabilité aux grandes entreprises non cotées et les PME cotées. En revanche, ce report ne s’applique pas aux entreprises déjà soumises à la directive NFRD, ni aux groupes non européens ayant une activité significative dans l’Union européenne.
Malgré ce report, la loi maintient l’obligation pour les entreprises de communiquer des informations de durabilité au comité social et économique (CSE). L’article L.2312-17 du Code du travail, modifié par l’article 14 de cette même loi, impose que les informations relatives à la durabilité soient abordées au cours d’une au moins des trois consultations récurrentes du CSE, au choix de l’employeur, à savoir : les orientations stratégiques, la situation économique et financière, ou la politique sociale.


Protection des salariés face aux fortes chaleurs. Décret 2025-482 du 27 mai 2025, JO du 1er juin ; arrêté du 27 mai 2025, JO du 1er juin, texte 10 :
Les entreprises ont désormais l’obligation d’évaluer les risques liés à la chaleur intense et d’y associer des mesures de prévention, à intégrer dans le DUER ou le PAPRIPACT selon la taille de l’entreprise. Le CSE devra donc être consulté dans le cadre des consultations récurrentes sur les conditions de travail et la santé des salariés. Il pourra également alerter l’employeur en cas de risque lié à la chaleur et être informé des mesures d’urgence et des consignes prévues pour les travailleurs
L’accent est mis sur des mesures concrètes telles que l’aménagement des postes, la modification des horaires, la mise à disposition d’eau potable et fraîche, la protection des salariés vulnérables, et la formation des travailleurs.
En cas de manquement, l’inspection du travail pourra mettre en demeure l’employeur, voire, à terme, interrompre l’activité en cas de danger grave.