Newsletter N°2 – Mars 2021

Jurisprudence :

  • Cadre dirigeant. —
  • Télétravail. —
  • Harcèlement moral. —
  • Harcèlement sexuel. —
  • Obligation de loyauté. —
  • Contrat à durée déterminée d’usage. —
  • Barème Macron. —
  • Avis du médecin du travail. —
  • Reclassement. —
  • Enquête et harcèlement moral. —
  • Inaptitude. —

Focus sur l’attribution de titres-restaurant aux télétravailleurs

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jurisprudence

Cadre dirigeant. Cass. Soc., 3 février 2021, n°18-20.812 : La salariée qui est tenue d’être présente dans les locaux durant les heures de présence des autres salariés, ne jouit pas d’une réelle autonomie dans l’organisation de son emploi du temps. Elle ne peut donc relever du statut de cadre dirigeant et a droit au paiement des heures supplémentaires réalisées.

Télétravail. Cass. Soc., 17 février 2021, n°19-13.783 : Un salarié ne peut prétendre télétravailler sans qu’un accord soit intervenu entre son employeur et lui. Faure d’un tel accord, ce salarié ne peut se prévaloir de la législation relative au télétravail pour obtenir le remboursement de frais professionnels.

Harcèlement moral. Cass. Soc., 3 mars 2021, n°19-24.232 : Le harcèlement moral est caractérisé lorsque plusieurs salariés témoignent de la pression constante imposée par le directeur du site et répercutée par les différents niveaux hiérarchiques en vue de la réalisation des objectifs, d’une surveillance qualifiée de « flicage » et d’une analyse des prestations vécue comme une souffrance au travail.

Harcèlement sexuel. Cass. Soc., 3 mars 2021, n°19-18.110 : La demande de résiliation judiciaire du contrat de travail d’une salariée pour des faits de harcèlement sexuel n’est pas justifiée si l’employeur démontre avoir réagi rapidement et mis fin à la situation de harcèlement.

Note sur l’arrêt : cet arrêt illustre l’abandon de l’obligation de résultat anciennement mise à la charge de l’employeur en matière de santé et sécurité au travail. Celui-ci est en ces domaines, depuis 2015, soumis à une obligation de moyens renforcée.

L’obligation de moyens renforcée permet à l’employeur, en cas de réalisation du risque (accident du travail, harcèlement…), de s’exonérer de sa responsabilité en démontrant s’être conformé à l’ensemble des obligations légales qui pèsent sur lui en pareilles circonstances, pour que ce risque n’advienne pas ou pour y mettre un terme, le cas échéant.

Comme en cas d’obligation de résultat, le salarié n’a pas à établir la faute de l’employeur dans la réalisation du risque pour engager sa responsabilité. Désormais, l’employeur peut s’en dégager non seulement par la preuve de la force majeure, mais aussi en démontrant qu’il a tout mis en œuvre pour que le risque n’arrive pas ou pour y mettre un terme.

Obligation de loyauté. Cass. Soc., 3 mars 2021, n°18-20.649 : le salarié ne manque pas à son obligation de loyauté lorsqu’il cherche un emploi au sein d’une autre société, et ce, même si ses démarches sont avancées (l’employeur avait trouvé une carte de visite d’une autre entreprise au nom de son salarié). Un manquement à son obligation de loyauté, tel qu’un travail au profit d’une entreprise concurrente, doit être caractérisé pour justifier de la rupture du contrat de travail.

Contrat à durée déterminée d’usage. Cass. Soc., 10 mars 2021, n°20-13.265 : Le défaut de signature d’un contrat à durée déterminée entraîne sa requalification en contrat à durée indéterminée, sauf à démontrer que le salarié a délibérément refusé de signer, de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse.

Barème Macron. Cour d’appel de Paris, 16 mars 2020, n° 19/08721 : Le barème fixant le montant maximum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse peut être écarté si les juges estiment que le montant retenu ne permet pas une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi, au regard de la situation concrète et particulière de la salariée.

En l’espèce, la salariée était âgée de 53 ans au moment de son licenciement et bénéficiait d’une ancienneté de 3 ans. En application du barème, les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse étaient plafonnés à 4 mois de salaire, soit 17.600 €. Or, les pertes de revenus entre son licenciement et son retour à l’emploi s’élevaient à 32.000 €. Ecartant le barème, la Cour a condamné la Société au paiement d’une indemnité de 32.000 €, équivalente à 7,2 mois de salaire.

Avis du médecin du travail. Cass. Soc., avis du 17 mars 2021, n° 15002 : La contestation de l’avis du médecin du travail doit porter sur l’avis en lui-même. La contestation ne peut porter sur la régularité de la procédure suivie par le médecin du travail pour se prononcer.

Reclassement. Cass. Soc., 17 mars 2021, N° 19-11.114 : L’obligation de recherche de reclassement au sein du groupe n’implique pas la communication aux sociétés du groupe du profil personnalisé des salariés concernés par le reclassement. La mention de l’intitulé des postes supprimés et de la classification associée est suffisante.

Enquête et harcèlement moral. Cass. Soc., 17 mars 2021, n° 18-25.597 : Une salariée visée par l’enquête d’une entreprise spécialisée en prévention des risques psychosociaux, mandatée par l’employeur à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral, n’a pas à en être informée, ni à être entendue. Une telle enquête, réalisée dans ces circonstances, ne constitue ni un mode de surveillance des salariés nécessitant qu’ils en soient préalablement informés, ni un mode de preuve déloyal.

Inaptitude. Cass. Soc., 24 mars 2021, n° 19-21.261 : L’obligation d’informer le salarié des motifs qui s’opposent à son reclassement, ne s’applique pas si l’employeur a fait des propositions conformes aux capacités du salarié, prenant en compte les prescriptions du médecin du travail, et que le salarié a refusé les offres qui lui ont été faites.



FOCUS SUR L’ATTRIBUTION DE TITRES-RESTAURANT AUX TELETRAVAILLEURS

Du fait de la crise sanitaire, les entreprises ont largement recouru au télétravail, soulevant la question du maintien de l’attribution aux télétravailleurs des titres-restaurant, à l’instar des salariés travaillant sur site. Les Tribunaux judiciaires de Paris et Nanterre ont tous deux répondu à cette question en mars, en sens opposé…

Tribunal judiciaire de Nanterre, 10 mars 2021, n°20/09616.

Pour rappel, l’ANI sur le télétravail du 19 juillet 2005, repris par l’article L. 1222-9 du Code du travail, prévoit que les salariés en télétravail bénéficient des mêmes droits et avantages que les salariés travaillant sur site, en « situation comparable ».

Le Tribunal de Nanterre rappelle que l’objectif des titres-restaurant est de permettre aux salariés de faire face au surcoût lié à la restauration en dehors du domicile. Il en déduit que les salariés placés en télétravail à domicile ne sont pas dans une situation comparable aux salariés travaillant sur site, sans accès à un restaurant d’entreprise et sans possibilité de se restaurer chez eux.

Le Tribunal de Nanterre en conclut que les télétravailleurs ne peuvent établir ce surcoût et ne peuvent prétendre dès lors, à l’attribution de titres-restaurant.

Tribunal judiciaire de Paris, 30 mars 2021, n°20/09805.

Le Tribunal de Paris, interrogé dans un cas similaire, estime pour sa part qu’aucune différence de traitement n’est justifiée entre les télétravailleurs et les salariés sur site concernant l’attribution des titres-restaurant :

− Le télétravail n’implique pas que le salarié doive se trouver à son domicile (ex : espace de coworking) ou qu’il dispose d’une cuisine personnelle.

− Le titre-restaurant permet au salarié de se restaurer quand son temps de travail comprend un repas. Son attribution n’est pas légalement conditionnée au fait que le salarié ne dispose pas d’une cuisine personnelle pour le préparer.

Selon le Tribunal de Paris, les salariés en télétravail ne sont donc pas dans une situation distincte au regard des conditions d’exercice de leurs fonctions. Le refus d’attribution des titres-restaurant ne repose dès lors sur aucune raison objective.

Le Tribunal de Paris aligne ainsi sa position sur celle du Ministère du travail, dont il cite le « questions-réponses » « Télétravail en période de Covid » (https://travail-emploi.gouv.fr/le-ministere-en-action/coronavirus-covid-19/questions-reponses-par-theme/article/teletravail-en-periode-de-covid-19).