Newsletter N°3 – Juillet-Août-Septembre 2025
Jurisprudence :
- Exécution du contrat de travail – Salaire – Durée de travail – CDD —
- Maladie, accident et Sécurité Sociale —
- Relations collectives – Accords collectifs —
- Licenciement pour motif économique —
- Licenciement disciplinaire ou pour cause personnelle – Rupture amiable – Démission – Retraite —
- Transaction – Contentieux – Prescription – Preuve —
Réglementation :
- Réforme de la VAE – Financement par le CPF. —
- Retraite progressive – Abaissement de l’âge d’accès à 60 ans. —
- Procédure civile – Modes amiables de résolution des litiges. —
Jurisprudence
EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL – SALAIRE – DUREE DE TRAVAIL – CDD :
Lien de subordination. Cass. soc. 9 juillet 2025, n°24-13.513 // n°24-13.504 : L’existence d’un contrat de travail entre le chauffeur VTC et la plateforme donneur d’ordre suppose la preuve du lien de subordination. L’intégration des chauffeurs dans un service organisé par la plateforme, est un indice de présomption de l’existence du contrat de travail si celle-ci en détermine unilatéralement les conditions d’exécution. Lorsque les chauffeurs disposent d’une autonomie totale dans l’organisation et l’exécution de leur activité (absence d’exclusivité, liberté de connexion, refus de courses, choix du trajet, possibilité de développer une clientèle personnelle …) et que le contrôle de la société est limité, le lien de subordination est inexistant.
Mise à pied conservatoire. Cass. soc., 17 sept. 2025, n°23-23.671 : Une mise à pied décidée dans l’attente du résultat d’une enquête interne avant l’engagement d’une procédure disciplinaire constitue une mise à pied conservatoire et non une sanction disciplinaire, dès lors que la procédure vise à permettre la poursuite d’investigations avant tout licenciement.
Concurrence déloyale du salarié. Cass. soc., 24 sept. 2025, n°23-14.529 : Des salariés ayant créé et développé, pendant l’exécution de leur contrat de travail, à l’insu de leurs employeurs, une entreprise concurrente, ne peuvent voir leur responsabilité pécuniaire engagée qu’en cas de faute lourde, caractérisée par une intention de nuire.
Égalité d’accès au congé de paternité. C. constit., décision 2025-1155 QPC du 8 août 2025, JO du 9 août 2025 : Le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur les règles légales d’attribution et d’indemnisation du congé de paternité et d’accueil de l’enfant, rejette la rupture d’égalité pour ce qui concerne le conjoint du père de l’enfant à qui est refusé le droit au congé de paternité. En revanche, le congé de paternité doit être accordé à la conjointe, concubine ou partenaire de la mère lorsque sa filiation avec l’enfant est établie par reconnaissance conjointe. Il étend l’application de ces règles aux personnes transgenres.
MALADIE, ACCIDENT ET SECURITE SOCIALE :
Protection contre le licenciement pour AT. Cass. soc., 10 sept. 2025, n°24-12.900 // Cass. soc., 24 sept. 2025, n°22-20.155 : Ni la demande de reconnaissance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, ni la décision de prise en charge de la CPAM, laquelle était contestée, ne suffisent à déclencher la protection contre le licenciement prévue par l’article L. 1226-9 du Code du travail (licenciement uniquement pour faute grave). Toutefois, en cas de litige, le juge prud’homal conserve le pouvoir souverain d’apprécier l’origine professionnelle de l’arrêt de travail et, consécutivement, la protection qui en résulterait.
Congés payés et arrêt maladie. Cass. soc., 10 sept. 2025, n°23-22.732 et n°23-14.455 : Le salarié en arrêt maladie pendant ses congés payés peut désormais reporter les jours de congé non pris, à condition d’avoir notifié son arrêt à l’employeur. Ce report s’effectue dans la limite de 15 mois. Par ailleurs, les jours de congés payés sont désormais intégrés dans le calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires, permettant au salarié de réclamer le paiement d’heures supplémentaires même si le temps de travail effectif n’atteint pas 35 heures.
Reclassement et inaptitude. Cass. soc. 9 juillet 2025, n°24-11.169 : Dans le cadre de l’obligation de reclassement du salarié inapte, le groupe à prendre en compte pour déterminer le périmètre des recherches, correspond à l’ensemble des entreprises, situées sur le territoire national, appartenant à un groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle (dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du Code de commerce) et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Inaptitude d’origine non professionnelle. Cass. soc., 10 sept. 2025, n°23-19.841 : Un salarié licencié pour inaptitude non professionnelle peut solliciter la reconnaissance du caractère professionnel de son inaptitude devant le conseil de prud’hommes et ce, même si la commission de recours amiable a jugé inopposable à l’employeur la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de la CPAM.
Inaptitude et accident de trajet. Cass. soc., 24 sept. 2025, n°24-16.960 : Les indemnités spécifiques prévues en cas d’inaptitude d’origine professionnelle, notamment l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité spéciale de licenciement, ne bénéficient pas au salarié lorsque l’inaptitude résulte d’un accident de trajet, même s’il est pris en charge au titre des accidents du travail.
Travail dissimulé et contrat suspendu. Cass. soc., 24 sept. 2025, n°24-14.134 : Le fait pour un salarié d’exécuter des tâches à la demande de son employeur pendant une période de suspension du contrat de travail, comme un arrêt maladie ou un congé maternité, ne permet pas de caractériser un travail dissimulé au sens du Code du travail et de prétendre à l’indemnité forfaitaire. Le salarié peut toutefois solliciter des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
Faute inexcusable et prescription. Cass. civ. 2e, 25 sept. 2025, n°23-14.017 : Un salarié, victime d’un accident du travail alors qu’il était mis à disposition d’une entreprise utilisatrice, a d’abord engagé une action en reconnaissance de la faute inexcusable contre cette dernière. Il a ensuite introduit une action contre son propre employeur, plus de deux ans après la date de consolidation. Cette seconde action, engagée hors délai, est recevable, l’action en reconnaissance d’une faute inexcusable interrompant la prescription à l’égard de toute autre action procédant du même fait dommageable.
RELATIONS COLLECTIVES – ACCORDS COLLECTIFS :
Prise d’acte et mandat syndical. Cass. soc., 3 sept. 2025, n°23-18.275 : Pour bénéficier de la protection attachée au mandat de défenseur syndical, le salarié doit avoir porté à la connaissance de l’employeur l’existence de son mandat au plus tard au jour de la notification de la prise d’acte. À défaut, le salarié ne peut pas invoquer la nullité de la rupture et la prise d’acte ne produit que les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Refus d’un APC. Cass. soc., 10 sept. 2025, n°23-23.231 : En cas de licenciement consécutif au refus du salarié d’une modification de son contrat résultant d’un accord de performance collective, le juge doit contrôler que l’accord est justifié et si les mesures proposées répondent réellement aux besoins de l’entreprise
Statut protecteur du défenseur syndical. Cass. soc., 17 sept. 2025, n°24-12.885 : Le salarié inscrit sur la liste des défenseurs syndicaux bénéficie du statut de salarié protégé tant que son nom n’a pas été effectivement retiré de cette liste par décision du DREETS. La seule demande de retrait formulée par l’organisation syndicale ne met pas fin à cette protection.
Consultation du CSE. Cass. soc., 17 sept. 2025, n°24-10.560 : Le délai légal de consultation du CSE peut être prolongé d’un commun accord, à condition que cet accord soit établi de manière claire, par exemple, des échanges écrits ou procès-verbal.
Expert du CSE. Cass. soc., 17 sept. 2025, n°24-14.518 : Un expert désigné dans le cadre de la consultation sur les orientations stratégiques ne peut pas de facto intervenir dans une consultation ponctuelle sur un projet spécifique, tel qu’une fusion, les deux consultations étant autonomes et distinctes tant par leur objet que par leur temporalité. Le CSE doit désigner un expert propre à chaque consultation, selon les règles applicables à chacune.
LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE :
Licenciement économique et salarié protégé. Cass. soc., 10 sept. 2025, n°24-11.282 : Lorsque le licenciement économique d’un salarié protégé a reçu une autorisation administrative devenue définitive, le juge judiciaire ne peut pas remettre en cause le caractère réel et sérieux du motif économique, ni le respect par l’employeur de son obligation de reclassement.
Critères du licenciement pour motif économique. Cass. soc., 17 sept. 2025, n°24-12.213 : Pour justifier un licenciement économique, l’employeur peut prendre en compte, outre les critères légaux de « baisse significative » du chiffre d’affaires, tout autre indicateur démontrant des difficultés économiques. Ainsi, le critère de la dégradation persistante du chiffre d’affaires et d’autres éléments, comme le résultat d’exploitation, peut suffire à caractériser la réalité des difficultés économiques justifiant le licenciement, même si la baisse n’est pas précisément constatée sur la période de référence visée par l’article L. 1233-3 du Code du travail.
PSE et consultation du CSE. CE, 27 juin 2025, n°463870 : Lorsque le juge annule la décision d’homologation d’un PSE, l’employeur n’est pas tenu de reprendre intégralement la procédure de consultation du CSE. Une nouvelle consultation partielle est suffisante lorsque les modifications apportées ne sont pas substantielles. En l’espèce, les précisions concernaient les modalités d’application du critère des qualités professionnelles et une actualisation du calendrier prévisionnel de mise en oeuvre du plan et de la liste des postes proposés au titre du reclassement interne.
Responsabilité de l’Etat et licenciement pour motif économique. CE, 16 juill. 2025, n°469499 : Pour déterminer l’étendue de la responsabilité de l’Etat à l’égard de l’employeur, il convient de tenir compte de l’éventuelle faute commise par ce dernier. En l’espèce, les licenciements pour motif économique autorisés par une inspection du travail territorialement incompétente, avaient été ensuite annulés par le tribunal administratif, ouvrant droit à des indemnisations conséquentes devant le Conseil de prud’hommes. Le Conseil d’Etat a jugé que l’Etat n’était finalement responsable du dommage causé à l’employeur qu’à hauteur de 20% du préjudice
Responsabilité de l’Etat et PSE. CE, 19 sept. 2025, n°476305 et n°470918 : La responsabilité de l’État à raison d’une décision illégale de validation, d’homologation ou de refus d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ne peut être engagée qu’en cas de licenciement pour faute lourde de l’administration, limitant considérablement les possibilités d’indemnisation pour l’employeur, même en présence d’une faute grave de sa part.
LICENCIEMENT DISCIPLINAIRE OU POUR CAUSE PERSONNELLE – RUPTURE AMIABLE – DEMISSION – RETRAITE :
Licenciement pour insuffisance professionnelle et obligation d’adaptation du salarié. Cass. soc. 9 juillet 2025, n°24-16.405 : Le licenciement pour insuffisance professionnelle d’un salarié qui n’a pas atteint ses objectifs quantitatifs et n’est pas parvenu à remplir ses fonctions de manière satisfaisante, est sans cause réelle et sérieuse si l’employeur n’a pas assuré l’adaptation du salarié à son poste au moyen de formations, de tutorats ou d’accompagnements.
Remise de documents de fin de contrat. Cass. soc., 3 sept. 2025, n°24-16.546 : Lorsque le licenciement est prononcé pour faute grave, le salarié étant privé de préavis, ces documents de fin de contrats doivent être remis dès la notification de la rupture.
Licenciement et discrimination. Cass. soc., 10 sept. 2025, n°23-22.722 : Le licenciement d’une salariée d’une association de protection de l’enfance motivé par la remise d’une bible à une mineure en dehors du temps et du lieu de travail, est nul. Une telle mesure, reposant sur des considérations liées à la liberté religieuse, revêt un caractère discriminatoire. De plus, sauf s’il cause un trouble objectif et caractérisé dans l’entreprise, un fait relevant de la vie personnelle ne peut justifier une sanction disciplinaire.
Liberté d’expression du salarié. Cass. soc., 10 sept. 2025, n°24-12.595 : Le licenciement d’une salariée intervenu peu après l’envoi, par son avocat, d’un courrier refusant une rupture conventionnelle et formulant des griefs à l’encontre de l’employeur, ne relève pas de l’exercice de sa liberté d’expression et ne peut donc être annulé sur ce fondement.
Clause de dédit-formation en cas de licenciement pour faute grave. Cass. soc., 17 sept. 2025, n°23-23.830 : La clause de dédit-formation ne peut être mise en oeuvre que si la rupture du contrat de travail est imputable au salarié. Tel n’est pas le cas en cas de licenciement pour faute grave, cette rupture étant considérée comme imputable à l’employeur, contrairement à une démission.
TRANSACTION – CONTENTIEUX – PRESCRIPTION – PREUVE :
Redressement URSSAF. Cass. civ. 2e, 4 sept. 2025, n°22-22.989 : L’URSSAF peut modifier le fondement juridique d’un redressement juridique tant que la mise en demeure n’a pas été notifiée, à condition que l’employeur en soit préalablement informé, qu’il puisse faire valoir ses observations et produire ses justificatifs.
Absence de preuve des frais professionnels. Cass. soc., 10 sept. 2025, n°24-11.064 : L’absence de justificatif produit par le salarié suffit à écarter une demande de remboursement de frais professionnels, même si les dépenses ont été engagées pour le compte de l’employeur.
Autorité de la chose jugée. Cass. soc., 24 sept. 2025, n°24-16.185 : Lorsqu’un employeur a été définitivement relaxé par le juge pénal des poursuites pour travail dissimulé, cette décision s’impose au civil, excluant toute condamnation à l’indemnité forfaitaire par le juge prud’homal.
Prescription de l’indemnité de congés payés. Cass. soc. 9 juillet 2025 n°24-15.961 : Lorsque l’employeur oppose une fin de non-recevoir tirée de la prescription, le point de départ du délai de prescription de l’indemnité de congés payés doit être fixé à l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris dès lors qu’il justifie avoir informé le salarié et l’avoir invité à exercer son droit à congé.
Législation et réglementation
➢ Réforme de la VAE – Financement par le CPF. Décret n° 2025-663 du 18 juillet 2025 :
À compter du 1er août 2025, les actions de validation des acquis de l’expérience (VAE) sont éligibles au compte personnel de formation (CPF) si elles sont réalisées via un organisme d’accompagnement certifié et référencé sur le portail France VAE. Le CPF pourra couvrir l’ensemble des frais liés à l’accompagnement et au jury, renforçant ainsi l’accessibilité et la sécurisation du parcours de VAE.
➢ Retraite progressive – Abaissement de l’âge d’accès à 60 ans. Décret 2025-681 du 15 juillet 2025, JO du 23 juillet.
À compter du 1er septembre 2025, l’âge d’ouverture du droit à la retraite progressive est fixé à 60 ans, quelle que soit l’année de naissance de l’assuré. Cette mesure, issue de l’accord national interprofessionnel du 14 novembre 2024 sur l’emploi des seniors, assouplit le dispositif permettant de cumuler activité à temps partiel et perception partielle de la pension. Les autres conditions restent inchangées (notamment 150 trimestres d’assurance et activité à temps partiel).
➢ Procédure civile – Modes amiables de résolution des litiges. Décret n° 2025-660 du 18 juillet 2025
À compter du 1er septembre 2025, le juge pourra enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur ou un conciliateur sous peine d’amende et refuser d’homologuer un accord illicite. La mise en état conventionnelle devient le principe, y compris devant les prud’hommes.

