Newsletter N°6 – Juin 2019

Jurisprudence :

  • Rupture conventionnelle et inaptitude —
  • Salarié protégé. Réintégration —
  • Salarié protégé. Discrimination syndicale —
  • Exécution du contrat. —
  • Exécution du contrat. —
  • Temps de travail. CJUE —
  • Droit disciplinaire. —
  • Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE). —
  • Clause de mobilité. —
  • Santé et sécurité. —
  • Rémunération variable.
  • Liberté religieuse. —
  • Rupture du contrat. —
  • Rupture du contrat. —

Focus sur le décompte horaire du temps de travail :

  • Cour de justice de l’union européenne —
  • Les entreprises européennes sont-elles obligées de produire un décompte journalier des heures de travail réalisées par leurs salariés ? —
  • Un système fiable de décompte de la durée effective de travail —
  • Le Code du travail français, partiellement conforme —

 

 

Jurisprudence

Rupture conventionnelle et inaptitude. Cass. soc., 09 mai 2019, n°17-28.767 :

Principe érigé par la Cour de cassation : sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, une convention de rupture peut être valablement conclue avec un salarié déclaré inapte à son poste après un accident du travail.

Confirmation de Jurisprudence : La Cour de cassation avait déjà admis qu’une rupture conventionnelle individuelle peut être valablement conclue au cours des périodes de suspension du contrat consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle (Cass. soc., 30 septembre 2014, n°13-16.297) ou pendant un congé de maternité (Cass. soc., 25 mars 2015, n°14-10.149).

 

Salarié protégé. Réintégration. Cass. Soc., 15 mai 2019, 17-28.547 :

Lorsque l’autorisation de rupture conventionnelle d’un salarié protégé est annulée, celui-ci doit être réintégré dans son emploi ou un emploi équivalent. En cas de manquement de l’employeur à cette obligation, la résiliation judiciaire à ses torts est encourue, et produit les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur. Le salarié bénéficie donc d’un droit à réintégration et l’employeur n’est pas en capacité de s’y opposer, sauf à justifier d’une impossibilité de réintégration (rarement admis par la Jurisprudence).

 

Salarié protégé. Discrimination syndicale. Cass. soc., 29 mai 2019 no 17-23.028 :

Le juge judiciaire ne peut, en l’état de l’autorisation administrative accordée à l’employeur de licencier un salarié protégé sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement. Toutefois, il reste compétent pour apprécier les fautes commises par l’employeur pendant la période antérieure au licenciement, et notamment l’existence d’une discrimination syndicale dans le déroulement de la carrière du salarié.

 

Exécution du contrat. Cass. soc., 28 mai 2019, n°17-17.929 :

Est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le licenciement d’un salarié consécutif à son refus d’une modification du contrat de travail motivée par la volonté de l’employeur de modifier le taux de rémunération variable applicable au sein du magasin. En effet, il n’est pas allégué que cette modification résultait de difficultés économiques ou de mutations technologiques ou qu’elle était indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise.

 

Exécution du contrat. Cass. soc., 29 mai 2019, no 17-16.755 :

Dès lors qu’en l’absence de licenciement régulièrement intervenu, la relation de travail s’est poursuivie, que l’inexécution de la prestation de travail n’est pas imputable au salarié qui s’est tenu à la disposition de son employeur, ses salaires sont dus pour la période au cours de laquelle il a été privé de travail.

 

Temps de travail. CJUE, 14 mai 2019, aff. C-55/18 : [Voir focus]

La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) affirme que la règlementation de chaque État membre doit imposer aux employeurs l’obligation de mettre en place un système permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur. La CJUE exige le décompte horaire du temps de travail.

 

Droit disciplinaire. Cass. soc., 22 mai 2019 no 17-28.100 :

Confirmation de Jurisprudence : L’employeur qui, ayant connaissance de divers fautes commises par le salarié, choisit de n’en sanctionner que certaines, ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction.

 

Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE). Conseil d’Etat n°420780 : Comité d’entreprise de la Société British Airways France :

Pour le Conseil d’État, le dépassement des délais dans lesquels le comité d’entreprise, aujourd’hui le CSE, doit se prononcer sur les projets de licenciement avec PSE, ne rend pas par lui-même la procédure consultative irrégulière.

 

Clause de mobilité. Cass. soc., 22 mai 2019 no 18-15.752 :

Est valable la clause de mobilité sur le territoire national définissant ainsi précisément sa zone géographique d’application et ne conférant pas à l’employeur le pouvoir d’en modifier unilatéralement la portée.

Ayant retenu que l’employeur, dont l’essentiel des activités se situait sur le secteur de la Manche, démontrait avoir mis en œuvre la clause de mobilité dans l’intérêt de l’entreprise suite à la perte du marché d’Angers, la Cour d’appel a fait ressortir que l’atteinte à la vie personnelle et familiale du salarié était justifiée par la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.

 

Santé et sécurité. Cass. 2e civ., 29 mai 2019 no 18-16.183 :

Le malaise cardiaque survenu au temps et au lieu de travail sous l’autorité de l’employeur bénéficie de la présomption d’imputabilité d’accident du travail. Tel est le cas lorsque le salarié avait pointé et s’était dirigé immédiatement vers la salle de pause lors de son malaise, qu’il avait ainsi pris son poste même s’il ne s’était pas rendu immédiatement dans le magasin. L’existence de symptômes préalables au malaise pendant le trajet entre le domicile et le lieu de travail, n’est pas de nature à caractériser un accident de trajet.

 

Rémunération variable. Cass. soc., 9 mai 2019, n° 17-27.448 :

La détermination de l’assiette de la rémunération variable en fonction de la seule volonté de l’employeur est illicite.

 

Liberté religieuse. Cour d’appel de Versailles., 18 avril 2019, n°18/02189 :

Le licenciement de la salariée ayant refusé d’ôter son voile à la demande d’un client est annulé. Saisie du renvoi après cassation, la Cour d’appel de Versailles se conforme aux enseignements de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) et de la Cour de Cassation, et annule le licenciement jugé discriminatoire.

 

Rupture du contrat. Cass. soc., 22 mai 2019 no 17-28.068 :

Un employeur qui formule une demande en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis ne doit ni justifier avoir demandé à son salarié d’exécuter un préavis, ni justifier du refus qui lui aurait été opposé. Il est fondé à solliciter la condamnation de son ancien salarié au paiement d’une indemnité correspondant au préavis que ce dernier n’a pas exécuté.

Rupture du contrat. Cass.soc., 10 avril 2019, n°17-24.772 O. c/ Sté Rives Dicostanzo :

Commet une faute grave rendant impossible son maintien dans l’entreprise, le chef d’agence en charge du suivi de la clientèle et de la facturation et dont les manquements sont mis en évidence par l’ampleur et la fréquence des détournements de chèques commis pendant plusieurs mois, par un salarié sous sa responsabilité.

 

 

Focus sur le décompte horaire du temps de travail

 

Cour de justice de l’union européenne, ARRET DU 14 mai 2019, AFF C-55/18 :

Les employeurs doivent mettre en place un système fiable de mesure de la durée quotidienne de travail.

 

Les entreprises européennes sont-elles obligées de produire un décompte journalier des heures de travail réalisées par leurs salariés ?

Les magistrats européens avaient été sollicités par l’« Audienca Nacional », la Haute Juridiction espagnole, à l’occasion d’un conflit survenu entre un syndicat espagnol et une banque.

Les syndicalistes reprochaient à cette entreprise de n’avoir établi aucun enregistrement du temps de travail quotidien de ses salariés.

 

Un système fiable de décompte de la durée effective de travail

La CJUE affirme qu’en l’absence d’un système permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier, il n’est pas possible de déterminer “de façon objective et fiable” ni le nombre d’heures de travail effectuées par le travailleur, ni le nombre d’heures supplémentaires.

Une législation nationale qui dispense les employeurs d’établir un tel système est contraire à la directive européenne du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.

En conséquence, “les États membres doivent imposer aux employeurs l’obligation de mettre en place un système fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectuée par chaque travailleur“.

Il revient à chaque État membre de garantir à sa manière le respect de ces principes.

 

Le Code du travail français, partiellement conforme

Le droit français s’est déjà emparé de la question du contrôle du temps de travail.

Lorsqu’il n’existe pas d’horaire collectif applicable à tous les salariés occupés dans un service ou un atelier, l’employeur est tenu d’établir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective (article L. 3171-2 du code du travail) et ce, pour chacun des salariés concernés.

L’entreprise doit procéder à l’enregistrement quotidien des heures de début et de fin de chaque période de travail, ou établir un relevé du nombre d’heures de travail accomplies. Un récapitulatif hebdomadaire doit également être réalisé, par tous moyens (article D. 3171-8 du code du travail).

Lorsqu’il existe un horaire collectif, aucun suivi individuel du temps de travail n’est exigé sauf dans 4 cas :

– accomplissement d’heures supplémentaires ouvrant droit à contrepartie obligatoire en repos ;

– application d’un dispositif d’aménagement du temps de travail répartissant la durée du travail sur plusieurs semaines ou sur l’année ;

– application d’un accord de modulation ;

– application d’un dispositif de réduction du temps de travail sous forme de journées ou de demi-journées de repos.

Les règles sont également plus souples s’agissant des salariés ayant signé une convention de forfait jours mais un suivi de la charge de travail demeure obligatoire :

  • Les conventions ou accords collectifs qui prévoient des conventions de forfait en heures doivent fixer les modalités de contrôle de la durée du travail.
    Ce n’est qu’à défaut de précision que les règles de décompte quotidien et hebdomadaire s’appliquent.
  • Quant aux conventions de forfait en jours, l’entreprise est tenue d’établir un décompte annuel des journées et demi-journées travaillées (article D. 3171-10 du code du travail).
    De plus, l’accord collectif qui met en place ces conventions doit prévoir des modalités d’évaluation et de suivi régulier de la charge de travail.

En conclusion, le Code du travail est en partie conforme aux exigences posées par la CJUE mais le législateur français pourrait être enclin à davantage encadrer le contrôle de la durée réelle de travail des salariés soumis aux horaires collectifs et aux forfaits jours, pour lesquels aucun suivi journalier du temps de travail n’est exigé.