Newsletter N°1 – Janvier-Février-Mars 2025


Jurisprudence :

  • Exécution du contrat de travail – salaire – durée de travail – CDD. —
  • Maladie et sécurité sociale. —
  • Relations collectives et accords. —
  • Licenciement pour motif économique. —
  • Licenciement disciplinaire ou pour
  • cause personnelle – rupture amiable – démission – retraite.
  • Transaction – contentieux – prescription – preuve.

Réglementation :

  • Le passeport de prévention. —
  • Attestation et avis d’aptitude et d’inaptitude. —
  • Diminution de l’indemnisation des arrêts maladie. —
  • Guide pratique « CSE 2025 », de l’URSSAF.

 

 

Jurisprudence



Exécution du contrat de travail – salaire – durée de travail – CDD :

Information sur le reclassement et indemnisation. Cass. Soc, 29 janvier 2025, 23-17.647 : Lorsque l’employeur ne parvient pas à reclasser un salarié inapte, il doit l’informer par écrit des motifs s’opposant au reclassement. Cette obligation ne s’impose que s’il n’existe pas d’emplois disponibles ou lorsque le médecin du travail a indiqué que le reclassement du salarié était impossible. L’absence d’information n’ouvre droit à indemnisation qu’en cas de préjudice du salarié.


NB : Cet arrêt s’inscrit dans un mouvement jurisprudentiel initié en 2016 en vertu duquel le préjudice doit être démontré pour donner lieu à une indemnisation. Avant cela, les manquements de l’employeur étaient considérés comme causant nécessairement un préjudice aux salariés. La règle n’est donc plus à l’indemnisation automatique.

Contrat de déplacement occasionnel. Cass. Soc, 29 janvier 2025, n°23-19.263 : Une clause contractuelle selon laquelle, le salarié s’engage à effectuer des déplacements occasionnels dans le cadre de ses fonctions perdure même lorsque le CDI spécifique devient un CDI de droit commun.


Frais professionnels. Cass. Soc, 15 janvier 2025, n°23-19.595 : Un salarié qui déclare de faux frais professionnels commet une faute grave. Bien que la chambre sociale exige communément une faute lourde et une intention de nuire du salarié pour engager la responsabilité pécuniaire de ce dernier, l’employeur peut tout de même agir en répétition de l’indu afin d’obtenir la restitution des sommes détournées ou perçues par le salarié.


Travail temporaire et délai de carence. Cass. Soc, 20 janvier 2025, n°23-20.1168 : Plusieurs contrats de mission peuvent être conclus avec un même salarié sur un même poste de travail, à condition de respecter un délai de carence calculé selon la durée du contrat. L’employeur est tenu de respecter ce délai sauf motif dérogatoire. L’accroissement temporaire de l’activité n’entre pas dans le champ des motifs dérogatoires.


Maladie et sécurité sociale :

Arrêt maladie et temps thérapeutique partiel. Cass. Soc, 5 mars 2025, n°23-20.172 : Lorsqu’un salarié placé en arrêt maladie, après un temps partiel thérapeutique, est finalement licencié, l’indemnité de licenciement doit être calculée sur la base du salaire à temps plein perçu avant la mise en place du temps partiel thérapeutique.


Inaptitude et obligation de reclassement. Cass. Soc, 12 février 2025, n°23-22.612 : Lorsqu’un salarié est déclaré inapte, l’employeur a l’obligation de le reclasser, sauf si le médecin du travail l’en dispense. Le modèle d’avis d’inaptitude prévoit deux dispenses : si le maintien du salarié dans un emploi est gravement préjudiciable à sa santé ; ou si l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. Le médecin du travail peut néanmoins s’écarter du formalisme légal dans son avis de dispense sans que cela ne soit préjudiciable à l’employeur, dès lors qu’il emploie des termes non ambigus.


Inaptitude et refus de reclassement. Cass. Soc, 5 mars 2025, n°23-21.784 : Lorsque le salarié déclaré inapte refuse une offre de reclassement conforme aux exigences posées par le Code du travail, l’employeur est présumé avoir respecté son obligation et l’obligation de recherche de reclassement est réputée satisfaite.


L’avis d’inaptitude et licenciement. Cass. Soc, 19 mars 2025, n°23-19.813 : En cas de recours d’un salarié devant le Conseil de prud’hommes afin de contester l’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail, l’employeur peut licencier le salarié sans attendre la décision de la juridiction. Cette solution se heurte néanmoins au risque d’une nullité du licenciement.


Relations collectives et accords :

Contestation d’expertise du CSE. Cass. Soc, 5 février 2025, n°22-21892 : L’employeur dispose d’un délai de 10 jours pour contester une expertise décidée par le CSE. Ce délai commence à courir le lendemain de la délibération du CSE ou de la notification à l’employeur, et non le jour même. Si le délai expire un jour férié, chômé ou un week-end, il est prorogé jusqu’au jour ouvrable suivant.


Activités sociales et culturelles du CSE et ancienneté. Cass. Soc, 12 mars 2025, n°23-21.223 : Un CSE ne peut pas conditionner le bénéfice pour les salariés de ses activités sociales et culturelles au respect d’une ancienneté minimale dans l’entreprise ou de présence effective.


Discrimination syndicale. Cass. Soc, 5 février 2025, n°23-15.776 : En cas de litige fondé sur une discrimination syndicale, le salarié apporte des éléments de preuve laissant supposer l’existence d’une telle discrimination. L’employeur apporte ensuite la preuve de l’objectivité de ses décisions, avant que le juge ne tranche, le cas échéant à l’appui de mesures d’instruction.


Modalités de désignation des membres CSSCT. Cass. Soc, 26 février 2025, n°24-12.295 et n°23-20.714 : La CSSCT doit comprendre au minimum trois représentants du personnel parmi ses membres. Lorsqu’un troisième collège électoral de « cadres » est institué au sein d’une entreprise, le CSE n’a pas la faculté de choisir entre le deuxième ou le troisième collège pour le siège réservé : il doit obligatoirement affecter ce siège au collège des « cadres ».


Différence de traitement entre salariés. Cass. Soc, 5 février 2025, n°22-24.000 : Dans le cadre d’une fusion-absorption, un accord de substitution peut permettre aux salariés du site absorbé de maintenir un avantage conventionnel, sans que cela ne constitue une rupture d’égalité de traitement prohibée entre les salariés du site absorbant et ceux du site absorbé. Dans ce cas, la différence de traitement est présumée justifiée puisqu’instituée par accord collectif entre des salariés d’établissements distincts. Une telle présomption peut exister lorsque la différence de traitement est étrangère à toute considération de nature professionnelle.


Délégué syndical supplémentaire. Cass. Soc, 22 janvier 2025, n°23-22.792 : Dans les entreprises d’au moins 500 salariés, le syndicat représentatif peut désigner un délégué syndical supplémentaire. Ce délégué syndical doit obligatoirement être choisi parmi les candidats ayant recueilli au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour. Si aucun candidat ne satisfait à ces exigences, le syndicat ne peut désigner l’un de ses adhérents en remplacement, au risque de voir la désignation remise en cause.


Représentant syndical au CSE d’établissement. Cass. Soc, 12 mars 2025 n°24-11.467 : Lorsque l’entreprise comporte plusieurs établissements distincts, le salarié désigné représentant syndical au CSE d’un établissement doit travailler dans cet établissement.


Syndicat et communication. Cass. Soc, 12 mars 2025, n° 23-12.997 : Qu’ils soient ou non représentatifs, les syndicats doivent être placés dans une situation identique en matière de communication. Par conséquent, une convention ou un accord collectif ne peut réserver la communication électronique aux seules organisations syndicales représentatives, même au prétexte de réserver cette faculté aux seuls syndicats participant à la négociation.


Licenciement pour motif économique :

Clause du PSE. Cass. Soc, 22 janvier 2025, n° 23-11.033 : La clause d’un PSE conditionnant le versement de certaines indemnités par l’absence d’action en justice est illicite. Même dans le cas où ladite clause n’est pas mise en oeuvre par l’employeur, elle porte atteinte à la liberté fondamentale d’agir en justice du salarié, et constitue à ce titre un préjudice réparable pour le salarié. Ce préjudice est évalué par les juges du fond.


Contrat de sécurisation professionnelle. Cass. Soc, 26 février 2025, n°23-15.427 : Un salarié licencié pour motif économique bénéficie d’une priorité de réembauche dans l’année qui suit son licenciement. Il doit impérativement en être informé par l’employeur avant l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle. A défaut, le salarié qui justifie d’un préjudice peut requérir des dommages et intérêts de son employeur. Il ne peut toutefois agir sur le terrain de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement. La sanction est donc identique à celle prévue lorsque la priorité de réembauche n’est pas mentionnée dans la lettre de licenciement.


Adhésion au contrat de sécurisation professionnelle. Cass. Soc, 26 mars 2025, n°23-21.099 : La date d’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle correspond au jour auquel il signe et expédie le bulletin d’adhésion, et non à la date à laquelle l’employeur le reçoit. Il importe peu que le dossier d’adhésion soit complété ultérieurement par le salarié.


Offres de reclassement et critères de départage. Cass. Soc, 8 janvier 2025, n° 22-24.724 : Lorsque l’employeur communique des offres de reclassement dans le cadre d’un licenciement pour motif économique, il doit préciser aux salariés les critères de départage qui seront appliqués en cas de candidatures multiples. Sans cela, le licenciement pourra être jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse.


Licenciement disciplinaire ou pour cause personnelle – rupture amiable – démission – retraite :


Licenciement pour faute grave. Cass. Soc, 12 février 2025, n°23-22.310 : Lorsqu’un licenciement pour faute grave est prononcé pendant la période de protection de la salariée enceinte, et de surcroît par un directeur d’association dépourvu de délégation de pouvoir, le licenciement est nul. Les juges sont donc exemptés de vérifier la réalité de la faute grave invoquée par l’employeur pour prononcer la nullité de la rupture du contrat.


Licenciement pour faute grave. Cass. Soc, 26 mars 2025, n°23-17.544 : Le comportement déplacé d’un salarié occupant une position hiérarchique élevée à l’encontre d’une salariée, sur le lieu et le temps de travail, suite à un dépit amoureux, constitue un manquement à ses obligations découlant de son contrat de travail et justifie son licenciement pour faute grave.


Licenciement verbal. Cass. Soc, 26 mars 2025, n°23.23625 : La rupture du contrat de travail en l’absence de lettre de licenciement ne peut résulter que d’un acte de l’employeur par lequel il manifeste au salarié ou publiquement sa volonté de mettre fin à son contrat de travail. Un échange entre le Président de la société et la responsable des Ressources Humaines sur le futur recrutement d’un Directeur Général ne permet pas de caractériser un licenciement verbal.


Licenciement disciplinaire. Cass. Soc, 22 janvier 2025, n°22-15.793 : Lorsqu’un salarié laisse s’écouler un temps anormalement long entre deux appels ou qu’il ne répond pas au téléphone sans raison valable, l’employeur est en droit de le licencier pour motif disciplinaire. Il peut rapporter la preuve des carences du salarié en utilisant un logiciel de gestion des appels, ce recours étant jugé proportionné au but poursuivi.


Rupture amiable du contrat du salarié protégé. Cass. Soc, 12 mars 2025, n°22-23.460 : La rupture amiable du contrat d’un salarié protégé n’autorise pas l’employeur à se dispenser de l’autorisation de l’inspecteur du travail. Toutefois, la saisine de l’inspecteur du travail n’est pas nécessaire lorsqu’une entreprise de travail temporaire rompt le contrat d’un salarié protégé avant son terme, en lui proposant dans le même temps, un nouveau contrat de mission prenant effet dans un délai de 3 jours en l’espèce.

Harcèlement par un salarié protégé. Cass. Soc, 22 janvier 2025, n°23-12574 : L’employeur a normalement l’obligation de réintégrer un salarié protégé mis à pied à titre conservatoire, lorsque le licenciement n’a pas été autorisé par l’inspecteur du travail. Néanmoins, lorsque sa réintégration risque de faire perdurer dans l’entreprise des faits de harcèlement sexuel, l’employeur, tenu à l’obligation de sécurité, justifie d’une impossibilité de réintégration pouvant conduire au licenciement.


Transaction – contentieux – prescription – preuve :


Indemnité transactionnelle et assiette des cotisations. Cass. Soc, 30 janvier 2025, n°22-18.333 : les sommes versées dans le cadre d’un protocole d’accord transactionnel, non imposables en application de l’article 80 duodecies du CGI, et qui ont pour objet l’indemnisation d’un préjudice, sont exclus de l’assiette des cotisations de sécurité sociale dans la limite de deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale. Néanmoins, il en va différemment pour les sommes, qui bien qu’allouées à l’occasion de la rupture du contrat de travail, indemnisent un préjudice, même si elles ne sont pas mentionnées à l’article 80 duodecies du CGI.


Consultation du CSE. TJ Nanterre, ordonnance de référé du 14 février 2025, n°24/01457 : Avant de déployer de nouvelles applications d’informatiques mettant en oeuvre des procédés d’intelligence artificielle, l’employeur doit impérativement consulter le CSE. S’il s’en dispense, le CSE peut saisir le juge des référés, qui peut juger que le déploiement anticipé de ces outils constitue un trouble manifestement illicite. L’employeur encourt alors une suspension de la mise en oeuvre de ces outils jusqu’à la clôture de la consultation du CSE, assortie d’une astreinte de 1 000€ par infraction constatée pendant 90 jours.

Preuve du préjudice et indemnisation. Cass. Soc, 11 mars 2025, n°21-23557, n°23-19.669, n°24-10452 et n°23-16415 : En matière de congés payés, de forfait-jours ou de travail de nuit, le salarié ne peut se voir attribuer des dommages et intérêts de manière automatique et cela, même en cas de manquement imputable à l’employeur. Pour ces manquements, il appartient au salarié de démontrer avoir subi un préjudice distinct pour en obtenir réparation.


Infraction commise par le salarié. Cass. Crim, 14 janvier 2025, n°24-81.365 : Pour engager la responsabilité pécuniaire d’un salarié devant le juge pénal, l’employeur n’a pas à démontrer l’existence d’une faute grave ou lourde, contrairement à l’action formée devant le Conseil des Prud’hommes qui nécessite une faute lourde.


Harcèlement moral institutionnel. Cass. Crim, 24 janvier 2025, n°22-87.145 : Les dirigeants d’une société peuvent être condamnés pour avoir défini et mis en oeuvre une politique générale d’entreprise ayant entrainé une dégradation des conditions de travail des salariés et un climat professionnel anxiogène. Une telle politique est susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité des salariés, altérer leur santé physique ou mentale voire compromettre leur avenir professionnel.


Délibération de la CNIL sur la surveillance des salariés. Délib. CNIL SAN-2024-021 du 19 décembre 2024 : Une société peut être condamnée à une amende, variable selon la taille et la situation financière de l’entreprise, pour surveillance disproportionnée de ses salariés. Cela peut s’illustrer par l’installation de dispositifs de vidéosurveillance continus au sein des locaux ; la captation permanente des salariés ; le calcul de leur temps de travail effectif et de leurs performances par le biais de captures régulière des écrans. Une surveillance permanente des salariés peut néanmoins être instaurée, à la condition que l’atteinte portée à leur vie privée soit proportionnée à la finalité annoncée du dispositif, à savoir le décompte du temps de travail. Une telle décision ne peut donc résulter de l’intérêt légitime de l’employeur.



Législation et réglementation



Le passeport de prévention, Loi Santé au travail n°2021-2018 du 2 août 2021 :
Créé par la loi de 2021, le passeport de prévention sera déployé sur le territoire en 2025-2026. Ce passeport permettra de recenser les diplômes du salarié, afin de faciliter la traçabilité de son parcours et aider l’employeur à remplir ses obligations en matière de formation. Le service pour les organismes de formation ouvrira le 28 avril 2025, suivi du service dédié aux employeurs au premier trimestre 2026 ; et de celui dédié aux salariés, au quatrième trimestre 2026.


Attestation et avis d’aptitude et d’inaptitude. Arrêté du 5 mars 2025, JO du 15 mars, texte n°9 :
Les informations relatives au poste de travail précisent désormais si le poste fait ou non l’objet de mesures individuelles d’aménagement ; et s’il fait l’objet d’un suivi individuel renforcé, en indiquant le cas échéant la date de début de la mesure ou du suivi. Par ailleurs, le médecin doit mentionner dans l’avis d’inaptitude le fait qu’il s’agisse d’un « cas exceptionnel privant le salarié de son droit à reclassement par l’employeur et permettant son licenciement sans consultation du CSE sur les propositions de reclassement ».


Diminution de l’indemnisation des arrêts maladie. Décret 2025-160 du 20 février 2025, JO du 21 février :
La limite du salaire plafond pris en compte pour le calcul des indemnités journalières de sécurité sociale est ramenée de 1.8 SMIC à 1.4 SMIC à compter du 1er avril 2025. Cette mesure aura des conséquences pour les entreprises tenues à une obligation de maintien de salaire, entraînant une augmentation de la part d’indemnisation complémentaire à la charge de l’employeur.


Guide pratique « CSE 2025 », de l’URSSAF.
Il est désormais interdit de prendre en compte des critères d’ancienneté pour attribuer des prestations. A ce titre, il est précisé que les CSE ont jusqu’au 31 décembre 2025 pour modifier leurs critères de versement. L’URSSAF rappelle également l’interdiction des discriminations mais la possibilité de moduler les prestations selon la présence ou la nature du contrat. Enfin, les montants pour 2025 sont actualisés