Newsletter N°4 – Septembre à décembre 2023


Jurisprudence :

  • Discrimination à l’embauche. —
  • Discrimination au travail. —
  • Documents fixant la rémunération variable rédigés en français. —
  • Contrôle de la durée de travail des intérimaires. —
  • Reclassement du salarié inapte. —
  • Reclassement du salarié inapte. —
  • Calcul prime de participation et mi-temps thérapeutique. —
  • Infraction commise avec un véhicule de fonction. —
  • Rupture anticipée d’un CDD. —
  • Mise en oeuvre de la clause de mobilité et licenciement. —
  • Prescription et pouvoir disciplinaire. —
  • Validité de la rupture conventionnelle. —
  • Légalité de la preuve lors d’un licenciement. —
  • Vie privée du salarié et légalité de la preuve. —
  • Mise en place de la BDESE. —
  • Lacunes dans l’information et la consultation du CSE. —
  • Consultation du CSE central et CSE d’établissement. —
  • Expertise du CSE et délai de contestation. —
  • Appréciation des critères d’ordre des licenciements. —
  • Pondération des critères d’ordre des licenciements. —
  • Périmètre de l’obligation de reclassement lors d’un licenciement pour motif économique. —
  • Protection de la salariée enceinte au moment de l’adhésion CSP. —
  • Protection liée à la maternité. —
  • Période de protection suite à une naissance. —
  • Portée du secret médical. —

Réglementation :

  • Décret n°2023-1004, du 30 octobre 2023 relatif à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne. —
  • Décret n°2023-1307, du 28 décembre 2023, JO 29 décembre, relatif à la procédure de proposition d’un CDI après un CDD ou un contrat de mission. —

 

 

Jurisprudence



Discrimination à l’embauche. Cass. soc., 6 septembre 2023, n° 22-15.514 : L’entreprise qui écarte du process de recrutement une candidate suite à son refus de transmettre sa date de naissance après plusieurs demandes, doit justifier que la connaissance de cette information, était objectivement et raisonnablement justifiée par un but légitime et que son exclusion à la suite de ce refus, était nécessaire et appropriée.

Discrimination au travail. Cass. soc., 20 septembre 2023, n° 22-16.130 : L’usage d’un surnom envers une salariée, désignée comme « la libanaise », constitue à lui seul un élément permettant de supposer l’existence d’une discrimination en raison de son origine.

Documents fixant la rémunération variable rédigés en français. Cass. soc., 11 octobre 2023, n° 22-13.770 : En application de l’article L. 1321-6 du code du travail, tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail, doit être rédigé en français. Par conséquent, les documents rédigés en anglais fixant les objectifs nécessaires à la détermination de la rémunération variable du salarié, sont inopposables au salarié.

Contrôle de la durée de travail des intérimaires. Cass. Soc., 25 octobre 2023, n°21-21.946 : En cas de demande de dommages et intérêts pour violation des durées maximales quotidiennes de travail par un salarié intérimaire, la charge de la preuve incombe à l’entreprise utilisatrice qui est responsable des conditions d’exécution du travail.

Reclassement du salarié inapte. Cass. soc. 13 septembre 2023 n° 22-12.970 : En application de l’article L. 1226-2-1 du Code du travail, l’employeur peut rompre le contrat de travail du salarié inapte sans recherche de reclassement si l’avis du médecin du travail mentionne que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ». Tel n’était pas le cas de l’avis qui précise que « le maintien du salarié dans un emploi de cette entreprise » serait préjudiciable à sa santé. L’employeur devait donc réaliser des recherches de reclassement et consulter les représentants du personnel. A défaut, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Reclassement du salarié inapte. Cass. soc. 13 décembre 2023, n°22-19.603 : Lorsque le médecin du travail indique dans son avis, que l’inaptitude du salarié fait obstacle « sur le site » à tout reclassement dans un emploi, l’employeur doit considérer que la dispense de reclassement ne vaut que pour le site en question et qu’il doit explorer les possibilités offertes dans les autres établissements.

Calcul prime de participation et mi-temps thérapeutique. Cass. Soc., 20 septembre 2023, n°22-12.293 : La période pendant laquelle un salarié travaille en mi-temps thérapeutique en raison de son état de santé, doit être assimilée à une période de présence dans l’entreprise. Le salaire à prendre en compte pour le calcul de l’assiette de la participation est celui perçu avant le mi-temps thérapeutique et, le cas échéant, l’arrêt de travail l’ayant précédé.

Infraction commise avec un véhicule de fonction. Cass. Soc., 4 octobre 2023, n°21-25.421 : Des infractions au code de la route commises avec un véhicule de fonction, ne justifient pas nécessairement un licenciement disciplinaire, si ces infractions ne constituent pas une méconnaissance par le salarié des obligations du contrat de travail, et ne se rattachent pas à la vie professionnelle. En l’espèce, les infractions avaient été commises pendant le temps de trajet domicile lieu de travail et donc hors temps de travail.

Rupture anticipée d’un CDD. Cass. Soc., 6 septembre 2023, n°21-24.434 : Le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu de manière anticipée pour faute grave, aux motifs que la salariée avait durant un arrêt maladie débuté une formation auprès d’une autre entreprise non concurrente, dès lors qu’aucune clause du contrat ne l’interdisait et qu’aucun préjudice lié à cette activité n’était caractérisé par l’employeur.

Mise en oeuvre de la clause de mobilité et licenciement. Cass. soc. 6 décembre 2023 n°22-21.676 : Dès lors que la clause de mobilité a été mise en oeuvre dans l’intérêt de l’entreprise, en raison de contraintes organisationnelles et commerciales, le refus réitéré du salarié de rejoindre sa nouvelle affectation justifie son licenciement pour faute grave.

Prescription et pouvoir disciplinaire. CE 8 décembre 2023, n°466620 : L’employeur qui a simultanément connaissance de plusieurs fautes commises par le salarié, non prescrites, et choisit de n’en sanctionner qu’une partie, ne peut, dans une nouvelle mesure disciplinaire, sanctionner les autres faits dont il avait connaissance à la date de la première sanction.

Validité de la rupture conventionnelle. Cass. soc. 15 novembre 2023 n°22-16.957 : L’existence, au moment de la conclusion de la convention de rupture, d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la rupture conventionnelle homologuée. Ayant constaté que le salarié, qui s’était vu offrir le choix entre un licenciement pour faute et une rupture conventionnelle, n’avait pas usé de son droit de rétractation et n’établissait pas que la rupture conventionnelle avait été imposée par l’employeur, la preuve d’un vice du consentement n’était pas rapportée.

Légalité de la preuve lors d’un licenciement. Cass. Soc. 6 septembre 2023 n°22-13.783 : Un employeur avait mis à pied puis licencié un salarié pour non-respect des procédures d’encaissement. Il s’était appuyé sur la fiche d’intervention d’une société mandatée pour réaliser des contrôles via notamment des clients mystère. L’employeur ayant informé à la fois le CSE et les salariés d’un tel dispositif, la preuve résultant de ce dispositif est recevable.

Vie privée du salarié et légalité de la preuve. Cass. Soc., 4 octobre 2023, n°21-25.452 et n°22-18.217 : Des photographies prises sur le lieu de travail à destination d’une ancienne collègue de travail, relèvent de la sphère professionnelle. La production de ces photographies par l’employeur extraites du compte Messenger de la salariée licenciée, porte atteinte à la vie privée de la salariée mais est indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi.

Mise en place de la BDESE. Cass. Soc., 4 octobre 2023, n°21-25.748 : L’employeur peut mettre en place la BDESE en suivant directement les dispositions supplétives du Code du travail, sans être obligé d’ouvrir préalablement des négociations avec les organisations syndicales. La négociation d’un accord sur la BDESE est une simple faculté.

Lacunes dans l’information et la consultation du CSE. Cass. soc. 22 novembre 2023, n°20-23640 : Le manquement de l’employeur à l’obligation d’information et de consultation des instances représentatives du personnel, dans un contexte de liquidation judiciaire, n’est pas de nature à causer au salarié, agissant à titre individuel, un préjudice personnel et direct.

Consultation du CSE central et CSE d’établissement. Cass. soc., 20 septembre 2023, n° 21-25.233 : En l’absence d’accord collectif d’entreprise prévoyant expressément la consultation du CSE d’établissement, la consultation récurrente sur la situation économique et financière de l’entreprise relève du seul CSE central. Le CSE d’établissement ne peut pas recourir à une expertise si l’employeur n’a pas décidé de le consulter.
Expertise du CSE et délai de contestation. Cass. soc. 18 octobre 2023 n°22-10.761 : La contestation par l’employeur du paiement des expertises décidées par le CSE au motif qu’elles constituent des expertises libres dont il estimait n’avoir pas à prendre en charge le coût, revient à contester la nécessité même de ces expertises. Le délai pour agir est donc de 10 jours à compter du jour où l’employeur a été mis en mesure de connaître la nature et l’objet de ces expertises.

Appréciation des critères d’ordre des licenciements. CE, 31 octobre 2023, n°456332 : Lorsque le document unilatéral prévoit d’apprécier le critère des qualités professionnelles sur la base des entretiens d’évaluation des deux derniers exercices, il est possible, pour les salariés n’ayant pas fait l’objet d’une telle évaluation, de leur attribuer le nombre de points correspondant à la moyenne des entretiens d’évaluation obtenue par l’ensemble des salariés de leur catégorie professionnelle sur ces deux exercices.

Pondération des critères d’ordre des licenciements. Cass. Soc., 8 novembre 2023, n°22-19.205 : La pondération du critère des charges de famille par tranche d’âge des enfants, sans que l’employeur démontre en quoi cette distinction était pertinente et objectivement justifiée quant à la charge réelle des enfants eu égard à leur âge, a eu pour effet d’annihiler les effets des autres critères d’ordre.

Périmètre de l’obligation de reclassement lors d’un licenciement pour motif économique. Cass. Soc., 8 novembre 2023, n°22-18.784 Le périmètre de l’obligation de reclassement, lors d’un licenciement pour motif économique, doit prendre en compte les sociétés du groupe, même issues d’un secteur d’activité différent, dès lors qu’il est possible d’assurer la permutation de tout ou partie du personnel.

Protection de la salariée enceinte au moment de l’adhésion au CSP. Cass. Soc., 4 octobre 2023, n° 21-21.059 : La salariée en état de grossesse médicalement constaté dans le délai légal pour accepter ou refuser la proposition d’un contrat de sécurisation professionnelle (CSP), bénéficie de la protection prévue par le code du travail. L’adhésion au CSP ne caractérise pas l’impossibilité pour l’employeur de maintenir le contrat de travail.

Protection liée à la maternité. Cass. Soc. 29 novembre 2023 n°22-15.794 : L’employeur ne peut envoyer une lettre de convocation à entretien préalable à une salariée durant la période de protection absolue en lien avec sa maternité (congé maternité et congés payés accolés), même si cet entretien a lieu postérieurement à la période de protection. Il est donc interdit de prendre des mesures préparatoires à un licenciement. L’envoi d’une convocation à entretien préalable constitue une mesure préparatoire au licenciement.

Période de protection suite à une naissance. Cass. Soc. 27 septembre 2023 n°21-22.937 : Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’un salarié, en l’espèce le père, pendant les dix semaines suivant la naissance de son enfant. Toutefois, l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant.

Portée du secret médical. Cass. Soc. 20 décembre 2023, n°21.20904 : Aux termes de l’article L. 1110-4, alinéa 2, du code de la santé publique, le secret médical couvre l’ensemble des informations concernant la personne venue à la connaissance du professionnel. Il s’impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. En conséquence, la production en justice de documents couverts par le secret médical ne peut être justifiée que lorsqu’elle est indispensable à l’exercice des droits de la défense et proportionnée au but poursuivi.



Réglementation



Décret n°2023-1004, du 30 octobre 2023 relatif à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne

Le décret énumère les informations que doit fournir l’employeur au moment de l’embauche. Il contient également des dispositions propres aux travailleurs envoyés à l’étranger.

L’employeur doit remettre au salarié un ou plusieurs documents écrits contenant les informations principales relatives à la relation de travail (C. trav. art. L 1221-5-1) qui comporte(nt) au moins les informations suivantes (C. trav. art. R 1221-34) :

  • identité des parties à la relation de travail ;
  • lieu(x) de travail et, si elle est distincte, adresse de l’employeur ;
  • intitulé du poste, fonctions, catégorie socioprofessionnelle ou catégorie d’emploi ;
  • date d’embauche ;
  • pour un CDD, date de fin ou durée prévue de la relation de travail ;
  • pour un salarié temporaire, identité de l’entreprise utilisatrice, lorsqu’elle est connue et aussitôt qu’elle l’est ;
  • le cas échéant, durée et conditions de la période d’essai ;
  • droit à la formation assuré par l’employeur (C. trav. art. L 6321-1) ;
  • durée du congé payé auquel le salarié a droit ou modalités de calcul de cette durée ;
  • procédure à observer par l’employeur et le salarié en cas de cessation de leur relation de travail ;
  • éléments constitutifs de la rémunération mentionnés à l’article L 3221-3 du Code du travail, indiqués séparément, y compris les majorations pour heures supplémentaires, et périodicité et modalités de paiement de cette rémunération ;
  • durée de travail quotidienne, hebdomadaire, mensuelle ou ses modalités d’aménagement sur une autre période de référence (lorsqu’il est fait application des dispositions des articles L3121-41 à L 3121-47 du Code du travail), conditions de réalisation d’heures supplémentaires ou complémentaires, et, le cas échéant, toute modalité concernant les changements d’équipe en cas d’organisation du travail en équipes successives alternantes ;
  • conventions et accords collectifs applicables au salarié dans l’entreprise ou l’établissement ;
  • régimes obligatoires auxquels est affilié le salarié, mention des contrats de protection sociale complémentaire dont les salariés bénéficient collectivement en application d’un accord collectif ou d’une décision unilatérale de l’employeur ainsi que, le cas échéant, les conditions d’ancienneté qui y sont attachées.

Le décret précise la forme et les délais de communication des informations :

  • La communication des informations relatives à la période d’essai, à la formation, aux congés payés, à la procédure de cessation du contrat, à la rémunération, à la durée du travail et aux régimes de protection sociale applicables peut prendre la forme d’un renvoi aux dispositions
  • législatives et réglementaires ou aux stipulations conventionnelles applicables (C. trav. art.
  • R 1221-35, al. 1).
  • Les informations relatives à l’identité des parties, aux lieux de travail, au poste, à la date d’embauche, la date de fin ou à la durée du CDD, à la période d’essai, à la rémunération et à la durée du travail doivent être communiquées individuellement au salarié au plus tard le 7ème jour calendaire à compter de la date d’embauche. Les autres informations visées ci-dessus sont communiquées au plus tard dans le délai d’un mois à compter de cette même date (C. trav. art. R 1221-35, al. 2).
  • L’employeur doit adresser les informations ci-dessus sous format papier, par tout moyen conférant date certaine, ou sous format électronique, sous réserve que le salarié dispose d’un moyen d’accéder à une information sous format électronique, que les informations puissent être enregistrées et imprimées et que l’employeur conserve un justificatif de la transmission ou de la réception de ces informations (C. trav. art. R 1221-39).



Décret n°2023-1307, du 28 décembre 2023, JO 29 décembre, relatif à la procédure de proposition d’un CDI après un CDD ou un contrat de mission

A compter du 1er janvier 2024, l’employeur qui envisage de recruter un salarié en CDI à l’issue d’un CDD ou d’un contrat de mission est tenu de suivre une nouvelle procédure (art. R1243-2, I, al.1er ; art. L 1243-11-1, al.1er et L 1251-33-1, al. 1er)

Notamment,

– L’employeur propose au salarié en CDD que la relation de travail se poursuive en CDI par écrit avant la fin du CDD ou un contrat de mission lorsque l’emploi proposé est le même ou similaire, avec une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, avec la même classification, sans changement du lieu de travail.

– L’employeur doit accorder au salarié un délai raisonnable pour se prononcer sur la proposition de CDI en lui indiquant que l’absence de réponse vaut rejet de la proposition de CDI.

– En cas de refus, l’employeur doit informer France Travail (ex Pôle Emploi) dans un délai d’un mois, sur une plateforme dédiée.

– Sous réserve des exceptions prévues par le texte, le salarié qui a refusé deux fois au cours des 12 derniers mois précédents une proposition de CDI après un CDD ou un contrat d’intérim, n’aura pas droit au bénéfice de l’assurance chômage.
A ce stade, aucune sanction n’est prévue en cas de non-respect par l’employeur de la procédure.