Newsletter N°5 – Octobre-Novembre-Décembre 2022

Jurisprudence :

  • Licenciement économique pour sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise. —
  • Licenciement économique d’un salarié malade. —
  • Obligation de reclassement et licenciement économique. —
  • Dénonciation de faits de harcèlement moral et protection du salarié. —
  • Prescription des faits fautifs et persistance du comportement. —
  • Licenciement nul fondé sur la liberté d’expression. —
  • Discrimination fondée sur l’apparence physique. —
  • Facebook et licenciement. —
  • Signature numérisée d’un CDD et requalification en CDI. —
  • Astreinte et temps de travail effectif. —
  • Heures supplémentaires et accord tacite de l’employeur. —
  • Preuve des heures supplémentaires. —
  • Convention de forfait jours. —
  • Charge de la preuve du respect des durées de travail et de repos. —
  • Accès de l’employeur à l’agenda électronique du salarié. —
  • Prime et condition de présence du salarié. —
  • Paiement de la période d’emploi illicite du salarié étranger. —
  • Inaptitude et consultation du CSE. —
  • Temps domicile-travail du salarié itinérant. —

Réglementation :

  • Conséquences de la Directive UE 2019/1152 du 20 juin 2019 sur le formalisme du contrat de travail pour les salariés embauchés à compter du 1er août 2022 —
  • Loi 2022-1598 du 17 novembre 2022 JO du 22 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi —
  • BOSS, mise à jour de la rubrique effectif du 12 octobre 2022 —
  • Questions-réponses de la CNIL sur les élections professionnelles et les données personnelles —
  • Questions-réponses du Ministère du Travail sur le mécanisme de rachat des jours de RTT —
  • Arrêté du 9 décembre 2022, JO du 16 décembre 2023, portant fixation du plafond de la sécurité sociale pour 2023 —
  • Décret 2022-1651 du 26 décembre 2022, JO du 27 décembre 2022 portant application des dispositions relatives à l’épargne salariale de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat —

 

 

Jurisprudence



Licenciement économique pour sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise.

Cass. Soc. 28 septembre 2022, n°21-13.452 : la nécessité de sauvegarder la compétitivité d’une entreprise peut motiver un licenciement économique sans être subordonnée à l’existence de difficultés économiques à la date de licenciement, sous réserve toutefois de la capacité de l’employeur à démontrer l’existence, à la date de notification des licenciements, des difficultés anticipées en l’absence de mesure préventive. En l’occurrence, l’employeur évoluait dans le secteur des activités financières et bancaires confronté aux mutations technologiques liées à la dématérialisation des services, le contraignant lui-même à engager une réorganisation.


Licenciement économique d’un salarié malade.

Cass. Soc. 26 octobre 2022, n°20-17.501 : en cas de coexistence d’un motif économique et d’un motif personnel de licenciement, il convient de rechercher celui qui a été la cause première et déterminante et d’apprécier le bien-fondé du licenciement au regard de cette seule cause. En l’occurrence, le licenciement pour motif économique du salarié (cessation totale d’activité de l’entreprise) s’est inscrit dans un contexte d’arrêt maladie du salarié et de demande de reconnaissance de maladie professionnelle toujours pendante. Pour la Cour, le licenciement du salarié ne présente pas nécessairement un caractère discriminatoire en lien avec l’état de santé, dès lors qu’il n’est pas établi que le motif économique cachait en réalité un motif personnel de licenciement.


Obligation de reclassement et licenciement économique.

Cass. Soc., 7 déc. 2022, n°21-16.000 : l’employeur ne peut s’abstenir de son obligation préalable de reclassement dans le cadre d’un licenciement pour motif économique, peu importe que la salariée ait émis le souhait d’être licenciée au motif qu’elle bénéficiait d’une embauche extérieure.
Statut protecteur du Délégué à la Protection des Données (DPO) et licenciement. CE 21 octobre 2022, n°4592254 : la protection accordée au DPO en application du RGPD a pour objet de préserver son indépendance fonctionnelle dès lors qu’il ne peut « être relevé de ses fonctions ou pénalisé » par l’employeur « pour l’exercice de ses missions » (art. 38 RGPD). Cette protection n’a pour autant pas de caractère absolu, et n’empêche pas l’employeur de sanctionner le salarié pour les manquements commis dans l’exercice de ses fonctions ou de ses missions de DPO. Pour rappel, le DPO ne bénéficie pas du statut de salarié protégé consacrée par le Code du travail.


Dénonciation de faits de harcèlement moral et protection du salarié.

Cass. Soc. 19 octobre 2022, n°21-19.449 : l’employeur ne peut pas licencier un salarié qui dénonce des faits de harcèlement sans alléguer, ni prouver, la mauvaise foi du salarié. Celle-ci ne se déduit pas de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis, et la preuve de la mauvaise foi incombe à l’employeur.
Allusion à une liberté fondamentale et nullité de la rupture. Cass. Soc. 28 septembre 2022, n°21-11.101 : un employeur peut licencier un salarié qui s’est procuré frauduleusement des bulletins de paye. En revanche, dès lors que, dans la notification du licenciement fondé sur ce grief, il est fait allusion au fait que ces documents ont été produits dans le cadre d’une instance prud’homale, le débat se déplace sur le terrain de la liberté fondamentale d’agir en justice, et cette référence rend, à elle-seule, le licenciement nul.


Prescription des faits fautifs et persistance du comportement.

Cass. Soc. 28 septembre 2022 n°21-13.034 : en matière de sanction disciplinaire, le délai de prescription est de deux mois à compter du moment où l’employeur a
connaissance des faits. Ce principe admet un tempérament dès lors que le comportement fautif persiste au terme dudit délai. Dans pareille situation, l’employeur peut sanctionner des faits plus anciens dès lors que des actes similaires ont été accomplis par le salarié et donnent lieu à sanction dans le délai imparti.


Licenciement nul fondé sur la liberté d’expression.

Cass. Soc., 9 nov. 2022, n°21-15.208 : le licenciement du salarié motivé en partie sur son comportement critique et son refus d’accepter la politique de l’entreprise autour de la valeur « fun and pro », est nul car ceux-ci relèvent de sa liberté d’expression.


Discrimination fondée sur l’apparence physique.

Cass. Soc., 23 nov. 2022, n°21-14.060 : l’interdiction d’une coiffure à un steward alors qu’elle est autorisée pour les femmes, caractérise une discrimination fondée sur l’apparence physique en lien avec le sexe. Le port de l’uniforme justifiant cette différence pour permettre l’identification du personnel et préserver l’image de la société, ne constitue par une exigence professionnelle véritable et déterminante. Le salarié a donc le droit à des dommages et intérêts au titre de cette discrimination.


Facebook et licenciement.

Cass. Soc. 21 octobre 2022, n°21-12.370 : le salarié de droit privé, employé par une mission locale pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes, est soumis aux principes de laïcité et de neutralité du service public et, par conséquent, à une obligation de réserve en dehors du travail. En cas de propos publiés sur le compte Facebook personnel et identifiable du salarié, et contrevenant à ses obligations, le licenciement n’est pas discriminatoire car il est justifié par une « exigence professionnelle essentielle et déterminante ».


Signature numérisée d’un CDD et requalification en CDI.

Cass. Soc., 14 déc. 2022, n°21-19.841 : pour la première fois, la Cour de cassation admet que le contrat à durée déterminée comportant la signature manuscrite numérisée de l’employeur est valable de telle sorte que cela n’entraîne pas sa requalification en contrat à durée indéterminée.


Astreinte et temps de travail effectif.

Cass. Soc. 26 octobre 2022 n°21-14.178 : la nécessité d’intervenir très rapidement peut disqualifier le temps d’astreinte en un temps de permanence devant être intégralement rémunéré comme du temps de travail effectif, dès lors que le salarié, du fait des sujétions auquel il est soumis durant l’astreinte, l’empêche de vaquer librement à ses occupations.


Heures supplémentaires et accord tacite de l’employeur.

Cass. Soc. 28 septembre 2022, n°21-13.496 : la demande de l’employeur que le salarié accomplisse des heures supplémentaires n’a pas nécessairement à être expresse pour que ces dernières soient rémunérées, dès lors qu’elles résultent de l’accord implicite de l’employeur ou de la nature, la quantité de travail ou encore qu’elles aient été rendues nécessaires au regard des tâches confiées. Le fait que le salarié n’ait pas sollicité l’autorisation de réaliser des heures supplémentaires, et qu’il n’ait jamais fait mention qu’elles étaient nécessaires à l’atteinte de ses objectifs, ne rend pas la demande du salarié en paiement de ses heures supplémentaires injustifiée.


Preuve des heures supplémentaires.

Cass. Soc., 19 oct. 2022, n°21-18.093 : le salarié qui, pour établir la preuve des heures supplémentaires qu’il a réalisées, verse aux débats des attestations de collègues témoignant de son heure d’arrivée et de départ, apporte des éléments suffisamment précis permettant à l’employeur d’y répondre. La Cour d’appel qui l’a débouté en considérant que ces éléments n’étaient pas suffisamment précis, a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié.

Remarque : Confirmation de la jurisprudence selon laquelle, si le salarié doit apporter des éléments suffisamment précis pour prouver ses heures supplémentaires, cela ne doit pas aboutir à faire peser sur lui la charge de la preuve. Cette dernière est partagée puisque l’employeur doit, en réponse, fournir des éléments de nature à justifier les horaires réalisés du salarié (Cass. Soc., 18 mars 2020, n°18-10.919, 10 mai 2007, n°05-45.932).


Convention de forfait jours.

Cass. Soc., 14 déc. 2022 n°20-20.572 : l’accord du 5 septembre 2003 fixant le dispositif de forfait annuel en jours dans la branche des commerces de détail non alimentaires ne prévoit pas de garanties suffisantes pour que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et pour assurer une bonne répartition des temps de repos et de travail du salarié de telle sorte qu’une convention de forfait fondée sur cet accord est nulle.


Charge de la preuve du respect des durées de travail et de repos.

Cass. Soc., 14 déc. 2022 n°21-18.139 : la charge de la preuve du respect des durées maximales de travail et des durées minimales de repos pèse sur l’employeur quand bien même le salarié est en télétravail.


Accès de l’employeur à l’agenda électronique du salarié.

Cass. Soc., 9 nov. 2022, n°20-18.922 : la production en justice par l’employeur des éléments extraits de l’agenda électronique d’une salariée disponibles sur son ordinateur professionnel sont recevables dès lors que les pièces n’ont pas été identifiées comme étant personnelles par son auteur.


Prime et condition de présence du salarié.

Cass. Soc., 26 oct. 2022 n° 21-15.963 : un salarié dont le contrat de travail est suspendu (en l’espèce pour accident du travail) au moment du versement d’une prime conventionnelle peut la percevoir dès lors qu’elle prévoit une condition de présence dans les effectifs de l’entreprise à une date donnée. La Cour considère que la prime n’était pas subordonnée à une condition de présence effective dans l’entreprise privant le salarié de cette prime mais d’une condition de présence continue dans les effectifs au 31 octobre de chaque année.


Paiement de la période d’emploi illicite du salarié étranger.

Cass. Soc., 23 nov. 2022, n°21-12.125 : constitue une cause réelle et objective de licenciement l’absence de titre de séjour permettant à l’étranger d’exercer une activité salariée en France. Toutefois, seule une faute grave distincte permet à l’employeur de s’abstenir de lui verser sa rémunération échue durant la période d’emploi illicite antérieure à la rupture du contrat.


Inaptitude et consultation du CSE.

Cass. Soc., 16 nov. 2022, n°21-17.255 : lorsque l’avis d’inaptitude non professionnelle du médecin du travail mentionne expressément que le maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé, ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement, l’employeur qui n’est pas tenu de rechercher un reclassement, n’a pas à consulter les représentants du personnel.

Remarque : La Cour de cassation confirme sa jurisprudence du 15 juin 2022 qui concernait une inaptitude d’origine professionnelle (Cass. Soc., 15 juin 2022, n°20-21.090).


Temps domicile-travail du salarié itinérant.

Cass. Soc., 23 nov. 2022, n°20-21.924 : le temps de déplacement entre le domicile et les sites des clients d’un salarié technico-commercial itinérant, est considéré comme du temps de travail effectif rémunéré comme tel. En l’espèce, le salarié devait, lors de ses déplacements, être en mesure de fixer des rendez-vous, d’appeler et de répondre à différents interlocuteurs grâce à son téléphone portable professionnel et son kit main libre intégré dans le véhicule mis à sa disposition par son employeur.



Réglementation



➢ Conséquences de la Directive UE 2019/1152 du 20 juin 2019 sur le formalisme du contrat de travail pour les salariés embauchés à compter du 1er août 2022

Cette directive qui remplace celle du 14 octobre 1991 (Dir. 91/533), étend les informations que l’employeur doit transmettre à ses salariés nouvellement embauchés à compter du 1er août 2022.

Les informations élémentaires de la relation de travail doivent être plus complètes notamment sur :
− La période d’essai : durée et conditions ;
− Durée du travail (si durée prévisible, information sur la durée normale, modalités relatives aux heures supplémentaires et à leur rémunération) ;
− Rupture de la relation contractuelle : procédure complète à respecter (délai de préavis…) ;
− Identité des organismes de sécurité sociale percevant les cotisations afférentes ;
− Protection sociale fournie par l’employeur (incluant la couverture par les régimes complémentaires).

La Directive précise que ces informations doivent être transmises aux salariés au moyen d’un document individuel en format papier ou électronique :
− Durant la 1ère semaine de travail pour les informations élémentaires (période d’essai, rémunération, durée du travail…) ;
− Dans le délai d’un mois à compter du premier jour de travail pour les autres informations.


➢ Loi 2022-1598 du 17 novembre 2022 JO du 22 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi

La loi prévoit plusieurs modifications du code du travail dont notamment :

• Présomption de démission en cas d’abandon de poste du salarié (art.4)

La loi institue une présomption de démission simple du salarié lorsque celui-ci, volontairement absent de son poste, ne reprend pas son travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste dans un délai minimal qui sera fixé par décret (C. trav., nouvel art. L.1237-1-1).

Le salarié qui conteste la nature de la rupture de son contrat de travail (par exemple en cas d’absence justifiée par la maladie…) a la possibilité de saisir directement le bureau de jugement du Conseil de prud’hommes qui doit statuer dans le délai d’un mois.

• Conditions d’électorat et d’éligibilité au CSE (art.8)

Afin de tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel du 19 novembre 2021, le législateur a réécrit les articles du Code du travail relatifs aux conditions d’électorat et d’éligibilité qui entrent en vigueur rétroactivement le 31 octobre 2022 (Cons. constit. 19 nov. 2021, n°2021-947 QPC).

Désormais, « l’ensemble des salariés » remplissant les conditions de l’article L.2314-18 du Code du travail (3 mois d’ancienneté…) peuvent voter aux élections du CSE, ce qui inclut les salariés assimilés à l’employeur en raison d’une délégation écrite particulière d’autorité, ou le représentant effectivement devant les institutions représentatives du personnel.

Toutefois, cette catégorie de salariés reste inéligible aux élections du CSE (article L.2314-19 du Code du travail modifié).


➢ BOSS, mise à jour de la rubrique effectif du 12 octobre 2022

La partie relative au décompte de l’effectif sécurité sociale modifiée est opposable à compter du 1er novembre 2022.

La mise à jour comprend notamment les règles relatives à la proratisation du temps de travail des salariés en temps partiel thérapeutique, soumis à une convention de forfait en heures ou en jours, en travail intermittent et ceux pour lesquels il n’est pas possible de tenir compte de la durée du travail (intermittents du spectacle, pigistes…).


➢ Questions-réponses de la CNIL sur les élections professionnelles et les données personnelles

Dans un contexte où nombre d’entreprises organisent, ou vont organiser, le renouvellement de leur comité social et économique (CSE), la CNIL a diffusé une série de questions-réponses consacrée aux élections professionnelles et aux données personnelles, en particulier sur le thème des listes électorales et du vote électronique.


➢ Questions-réponses du Ministère du Travail sur le mécanisme de rachat des jours de RTT

La loi de finances rectificative pour 2022 a instauré un mécanisme de rachat de jours de RTT (cf. newsletter n°4 2022). Dans le prolongement, le Ministère du Travail a mis en ligne un questions-réponses sur son site internet afin d’apporter les précisions attendues sur les salariés bénéficiaires, les jours de repos susceptibles d’être rachetés et le régime social applicable à la rémunération de ces jours.


➢ Arrêté du 9 décembre 2022, JO du 16 décembre 2023, portant fixation du plafond de la sécurité sociale pour 2023

Le plafond de la Sécurité sociale est fixé pour 2023 de la manière suivante :

  • Valeur mensuelle : 3.666 euros
  • Valeur journalière : 202 euros
  • Valeur annuelle : 43 992 euros.

Ces valeurs s’appliquent aux cotisations de sécurité sociale dues pour les périodes à compter du 1er janvier 2023.


➢ Décret 2022-1651 du 26 décembre 2022, JO du 27 décembre 2022 portant application des dispositions relatives à l’épargne salariale de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat

Le décret précise certaines modifications de la loi du 16 août 2022 plus particulièrement sur la faculté de modifier un régime d’intéressement par voie unilatérale, les documents à déposer sur la plateforme de téléprocédure ainsi que les délais raccourcis de la procédure d’agrément des plans d’épargne et des accords d’intéressement (C. trav., arts modifiées D.3345-1, D.3345-3, D.3313-5, D.3345-6).